Le Monde
21 Avril 2004
En toute intimité, la générosité humaine du poète Aznavour
L’artiste se produit, jusqu’au 21 mai, au Palais des congrès, à
Paris
Merveilleuse , sur le coup, est sa jeunesse. Son air de jouvence, sa
lumière, sa verdeur. Simplicité, naturel, liberté. Cet échange
insolite d’émotion entre la multitude, dans la salle, chaque être de
cette multitude, et ce pierrot, noir et blanc, lumineux, là-bas, ici,
détendu comme en solitude, sans façons. Cette vivacité, cette
esquisse de pas de danse et ces arrêts, soudain, ces repos rêveurs,
printemps ou automnes.
Et les mimiques de rien, semblants de gestes, regards, mains qui se
posent, jeux de grand acteur qui ne joue pas, ombres de conscience,
enfance du c`ur. Une incroyable intimité et sans cesse une vérité, un
sérieux, quelque chose de grave dans l’attention donnée aux
souffrances, aux injustices. Et un effacement sensible. Une
générosité humaine. Oui, merveilleux Aznavour, qui partage le poème
comme on partage le pain. Entre nous.
Emigrants, immigrants, dénuements, espérances, luttes, comédiens,
savants, artistes, l’Arménie et la France, mineurs de fond et
chauffeurs de taxi, Picasso et Madame Curie, pensées intimes d’un
monde entier, par l’envoi, l’envol, de mots simples, de notes justes.
Saurons-nous jamais pourquoi les artistes, tels Aznavour et ses
semblables, ne sont pas appris, récités, sur les bancs des écoles,
dans les anthologies aux côtés de Baudelaire, de Verlaine, puisque
c’est du pareil au même, quelquefois.
Le Palais des congrès, où chante ces jours-ci Aznavour, est une
immensité. Un orchestre et des voix l’accompagnent. Ces circonstances
font qu’Aznavour, pour se faire entendre, force, de temps en temps,
sa voix. Ce n’est plus tout à fait, de temps en temps, sa voix. C’est
plus bel canto, et moins fraternel. Ce n’est pas grave, puisqu’il est
là, lui. Et si vous l’aviez vu chanter à Erevan, vous envieriez les
Arméniens qui ont l’habitude de faire bisser les chansons. Ils lui
firent chanter quatre fois de suite J’aime Paris au mois de mai. La
quatrième fois, il demanda une chaise. Le délire.
“Nous nous reverrons un jour ou l’autre”, chante Aznavour en nous
quittant. Il ajoute : “Si Dieu le veut.”
Michel Cournot
Charles Aznavour, au Palais des congrès, 2, place de la
Porte-Maillot, Paris-17e. Mo Porte-Maillot. Jusqu’au 21 mai à 20 h 30
; le 9 mai à 16 heures. Tél. : 01-40-68-00-05. De 38,50 à 98,50 .
Le 22 mai, soirée anniversaire donnée au profit de la lutte contre le
cancer, à 20 h 30. Tarif spécial : 58,50 à 158,50 .