Le Figaro, France
20 juillet 2004
TURQUIE Le premier ministre, qui est arrivé hier dans la capitale
française, veut donner de son pays l’image du bon élève de la classe
européenne
Europe : la Turquie cherche l’appui de la France
L. de B.
[20 juillet 2004]
Le premier ministre turc est arrivé hier à Paris, étape clé de sa
campagne visant à faciliter l’entrée de la Turquie dans l’Union
européenne (UE). Pour lever les réserves françaises à l’adhésion
d’Ankara, Recep Tayyip Erdogan présente son pays comme un bon élève
de la classe européenne, respectueux des critères d’adhésion fixés
par Bruxelles.
Il doit rencontrer aujourd’hui le président Jacques Chirac, autour
d’un déjeuner à l’Elysée. Dès son arrivée hier, il a été reçu par le
premier ministre Jean-Pierre Raffarin, avant de s’entretenir à
l’ambassade de Turquie avec des représentants de la communauté turque
en France, forte de 350 000 personnes.
«Je vais expliquer les mesures prises par la Turquie sur la voie qui
conduit à l’Union européenne», a déclaré Erdogan hier lors d’une
conférence de presse donnée avant son départ d’Ankara. «Je vais
demander à la France de continuer à nous soutenir comme elle l’a fait
jusqu’à présent (…) Je vais souligner la détermination de la
Turquie à harmoniser ses lois avec celles de l’UE», a-t-il dit. Pour
mieux faire passer son message, Erdogan, qui est escorté d’une
imposante délégation d’hommes d’affaires, fait miroiter à ses hôtes
un possible achat d’avions Airbus. Turkish Airlines doit renouveler
une partie de sa flotte avec l’acquisition d’une quarantaine
d’appareils. L’avionneur européen est en compétition avec l’américain
Boeing.
Parmi les grands pays européens, la France est celui où l’adhésion
turque est vue avec le plus de réticences, comme en témoigne une
série de sondages récents qui montrent, à une exception près, une
majorité de «non». Elle est le seul où le parti au pouvoir, en
l’occurrence l’UMP, a fait campagne contre l’adhésion turque lors des
dernières élections européennes.
Ces réserves se fondent sur la situation géographique de la Turquie,
sa religion musulmane, sa puissance démographique avec 70 millions
d’habitants, sa pauvreté, son refus de reconnaître la réalité du
génocide arménien, ainsi que le risque de dilution de l’UE en une
vaste zone de libre-échange. Pour lutter contre ces craintes, Erdogan
veut donner des arguments aux responsables politiques et économiques
français qui penchent en faveur de l’entrée de la Turquie – au
premier rang desquels le président Jacques Chirac. Ceux-ci mettent en
avant les liens traditionnels de la Turquie avec l’Europe, l’intérêt
géostratégique d’inclure un grand pays musulman dans l’UE, la laïcité
observée par la Turquie, les perspectives économiques qu’elle offre,
ainsi que la nécessité de récompenser les efforts qu’elle a déployés
pour respecter les critères européens en matière d’Etat de droit, de
droits de l’homme et de liberté d’entreprendre.
Au cours de sa visite, Erdogan va s’efforcer de montrer que les
réformes entreprises sont sérieusement appliquées. Il entend ainsi
apporter de l’eau au moulin du président de la République, qui a déjà
jugé, lors du sommet de l’Otan fin juin à Istanbul, que le projet
d’adhésion de la Turquie était «irréversible».