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Libération , France
9 septembre 2004

Mardirossian, des suites dans les idées;
Classique. Le pianiste arménien crée deux oeuvres de Tanguy et sort
un CD de Haendel.

par DAHAN Eric

Ouvert mardi, par un récital de Pierre-Laurent Aimard, le festival
Piano aux Jacobins, à Toulouse, propose cette année des grands
maîtres, comme Aldo Ciccolini, et la relève, incarnée par les
Angelich, Andsnes ou Anderszewski. Ce soir, Vahan Mardirossian, 29
ans, donne la création mondiale de Poème, commande du festival, et la
création française de quatre Intermezzi dévoilés à Londres cet été.
Deux oeuvres signées du parrain et ami, Eric Tanguy, l’homme qui l’a
réconcilié avec la musique contemporaine. “J’avais déjà joué Ohana ou
Takemitsu, mais je n’étais pas assez mûr pour apprécier”, déclarait
le pianiste en début de semaine.

Chef d’orchestre. Si la musique de Tanguy l’a séduit, c’est par son
exploration originale de la modalité : “Les échelles de Debussy,
Ravel ou Messiaen sont encore issues de la tonalité. Celles inventées
par Tanguy conservent la note sensible, mais sont plus abstraites, et
par le jeu des renversements et superpositions, confèrent une couleur
unique à chacune de ses oeuvres.” Mardirossian aimerait sans doute
être plus apprécié pour son jeu, techniquement supérieur mais économe
d’effets, à la fois dynamique et parfaitement articulé. Et cela dans
Schubert ou les transcriptions romantiques de Bach qu’il a
enregistrées, mais aussi tout ce répertoire qu’il joue, sous la
double influence de l’école russe et de l’école française, puisque
Mardirossian fut élève de Jacques Rouvier.

Quand l’ambassadrice de France en Arménie offre une bourse au jeune
Vahan, il a 17 ans, mais déjà une jolie carrière dans son Erevan
natal, et le reste du pays. A 8 ans, ce fils d’un radiophysicien et
d’une électromécanicienne, joue dans la même année des concertos de
Mozart et Grieg et la Rhapsodie sur un thème de Paganini de
Rachmaninov avec trois orchestres différents. Son rêve étant de
devenir chef, il s’initie au hautbois “pour pratiquer au moins un
instrument d’orchestre”, puis crée son propre ensemble composé d’amis
du conservatoire d’Erevan, qui donne rapidement des concerts. Il
apprend un temps la direction à Vienne, puis décide “qu’il vaut mieux
commencer par maîtriser son propre instrument, avant de prétendre
diriger un groupe”.

Fraîcheur. A Paris, Mardirossian passe de la condition d’enfant
prodige à celle de simple élève du Conservatoire national. Ses
modèles de pianistes? Richter (“capable de jouer tout le répertoire”)
et Guilels (“noblesse du son”). Côté chefs: Carlos Kleiber, récemment
disparu: “Dans une répétition filmée, j’ai été frappé par sa façon de
trouver des métaphores qui parlent immédiatement aux différentes
nationalités de l’orchestre” et Haitink pour “sa façon d’indiquer
avec un seul geste, à la fois le phrasé et la couleur sonore à
l’instrumentiste, est le propre des grands qui n’ont pas du tout
besoin de parler.”

Dans quelques jours, Mardirossian publiera un CD de Haendel. Trois
Suites, une Sonate qui a inspiré à Brahms de fameuses Variations, op.
24 et une Chaconne, repérées sur la liste des oeuvres jouées en
concert par Neuhaus. “N’ayant pas trouvé de CD complet des oeuvres
pour clavecin de Haendel, j’ai couru acheter des partitions et je les
ai arrangées. Cette musique est d’une fraîcheur absolue, ça sonne
comme du Bach inédit.”

Vahan Mardirossian

Ce soir à 20 h 30 au cloître des Jacobins de Toulouse. Loc. : 05 61
22 40 05.