Le Figaro
26 octobre 2004
Le Parlement hausse le ton sur la Turquie;
Les députés plus critiques que la commission sur les conditions de
négociations avec Ankara
Alexandrine BOUILHET
Les députés européens se montrent bien plus critiques que la
commission Prodi sur la candidature de la Turquie à l’Union
européenne. La commission affaires étrangères du Parlement discutera
aujourd’hui, à Strasbourg, du rapport rédigé par le député
néerlandais Camiel Eurlings. Une fois adopté, ce texte sera transmis
sous forme de « recommandation » aux chefs d’Etat et de gouvernement
avant le sommet du 17 décembre.
D’après le rapporteur, l’ouverture des négociations avec la Turquie
doit être « le point de départ d’un long processus qui, par nature,
doit rester ouvert, c’est-à-dire ne pas conduire a priori et
automatiquement sur l’adhésion ».
Ce point de vue frileux ne reflète pas celui de la commission, qui
considère l’adhésion comme le seul objectif valable des négociations.
Le Parlement exige également que les opinions publiques européennes
soient « consultées » sur l’entrée de la Turquie, ce qui n’avait pas
été le cas pour le dernier élargissement. Pour le reste, il s’aligne
sur la recommandation de la commission qui estime impossible, pour
des raisons budgétaires, de faire entrer la Turquie dans l’Union
avant 2014. Le Parlement approuve aussi le processus « d’arrêt
d’urgence des négociations », en cas de violations graves et
persistantes des principes de liberté et l’Etat de droit. Estimant
que la Turquie ne remplit pas encore suffisamment les critères de
Copenhague, les députés veulent durcir encore le processus de
négociations, en y ajoutant une étape inédite.
« Le Conseil ne doit recommander l’ouverture des négociations que si
ces dernières se concentrent d’abord sur le respect des critères
politiques de Copenhague, note le document, avec un accent sur le
respect des droits de l’homme et des libertés, en théorie et en
pratique, et, ensuite seulement, commencer l’examen chapitre par
chapitre. » Le rapporteur estime qu’Ankara doit se montrer plus
intraitable encore dans sa politique de lutte contre la torture, la
corruption et les violences conjugales. Il demande à la Turquie de se
mettre « sans délai » en conformité avec les décisions de la Cour
européenne des droits de l’homme et lui suggère même de rédiger une «
nouvelle Constitution », entérinant la Turquie moderne et européenne.
Il appelle la Turquie et l’Arménie à commencer un processus de
réconciliation afin de dépasser « les expériences tragiques du passé
», et demande à Ankara d’avoir une attitude « plus constructive »
pour le règlement de la question chypriote.
Autant de questions qui montrent que là où la commission voyait le
verre à moitié plein, le Parlement voit le verre à moitié vide,
invitant les Vingt-Cinq à se montrer bien plus vigilants le 17
décembre prochain.