L’Express, France
lundi 13 Décembre 2004
3 questions à…Orhan Pamuk
Propos recueillis par Nükte V. Ortaq
Orhan Pamuk est l’un des plus grands écrivains turcs contemporains,
qui est l’auteur de six romans, dont quatre ont été traduits en
français
Quels sont les effets, sur la Turquie, du processus d’intégration
dans l’Union européenne?
La Turquie est en train de devenir un véritable Etat de droit. Le
risque d’être confronté soit à un coup d’Etat militaire, soit à
l’arrivée d’un régime islamiste s’éloigne. Nous nous libérons
progressivement du complexe d’infériorité qu’avait fait naître la
chute de l’Empire ottoman. On commence peu à peu à parler, par
exemple, de la question arménienne, alors qu’auparavant ceux qui,
courageusement, brisaient ce tabou étaient violemment attaqués. Le
rêve européen provoque une transformation en profondeur de notre
société. Un peu à la manière du rêve napoléonien, tel qu’il est
décrit dans les romans de Stendhal.
L’Union européenne est-elle consciente de l’ampleur de ce changement?
Je souhaite que ceux qui tracent aujourd’hui la destinée de l’Europe
ne passent pas à côté de cette transmutation, à l’origine de laquelle
ils sont.
Les conditions draconiennes que l’Union européenne impose à la
Turquie vous paraissent-elles excessives?
L’important à mes yeux, plus que l’accession elle-même, c’est le
chemin qui y conduit. Tout ce que l’Europe demande contribue à
démocratiser ce pays. Bien sûr, je sais que certains politiciens
européens cherchent en réalité à exclure la Turquie en multipliant
les conditions. Mais, tant qu’il s’agit d’exigences qui ne ferment
pas la porte à la Turquie, cela ne m’offusque pas. C’est à nous de
convaincre.