libération, France
mardi 14 décembre 2004
Erdogan optimiste quant à l’issue du sommet européen
par Gareth Jones
ANKARA – Le Premier ministre turc Tayyip Erdogan a déclaré mardi aux
fidèles de son parti que l’Union européenne accepterait cette semaine
d’ouvrir avec Ankara des pourparlers d’adhésion attendus de longue
date.
A l’occasion du Conseil européen qui s’ouvre vendredi à Bruxelles,
les Vingt-Cinq semblent devoir entériner le processus de négociation
avec la Turquie, mais certains dirigeants de l’UE souhaiteraient y
poser des conditions particulières.
S’adressant aux membres de son Parti de la justice et du
développement, Erdogan a réaffirmé que la Turquie n’accepterait rien
d’autre que des pourparlers aboutissant à une adhésion complète au
bloc européen.
“Après une aventure de 40 ans, nous comptons voir l’UE annoncer une
date pour des négociations (…) Nous voulons une adhésion complète
sans conditions (…) et misons sur la bonne foi de l’UE”, a-t-il
déclaré à son parti, qui a entrepris de vastes réformes dans l’espoir
de rallier l’Union.
Par la suite, recevant les ambassadeurs de l’UE à Ankara, il a
précisé que la Turquie n’hésiterait pas à retirer sa candidature à
l’UE si celle-ci lui posait des conditions inacceptables pour entamer
des négociations.
“La Turquie n’hésitera pas à dire ‘non’ si l’accord final comporte
des conditions inacceptables”, a déclaré un diplomate, citant les
propos tenus par Erdogan aux ambassadeurs. Ce diplomate a ajouté
toutefois que, de façon générale, Erdogan s’était montré optimiste.
PAS DE STATUT ALTERNATIF POUR ANKARA
La Turquie a fait connaître dès 1963 son souhait d’adhérer à l’Union
européenne et est devenue officiellement candidate en 1999, mais son
bilan en matière de respect des droits de l’homme a retardé le début
des négociations.
Les autorités turques se sont indignées de ce que certains pays
européens – et notamment l’Autriche et la France – aient tenté de
faire figurer dans le communiqué du sommet de Bruxelles une allusion
à un statut alternatif qui ne ferait pas de la Turquie un membre à
part entière de l’UE.
L’Autriche a renouvelé mardi son plaidoyer en faveur d’une telle
initiative, à l’issue d’une rencontre entre le chancelier Wolfgang
Schüssel et le Premier ministre néerlandais Jan Peter Balkenende,
dont le pays assure la présidence tournante de l’UE.
“Les négociations peuvent commencer, mais elles doivent être
ouvertes”, a déclaré Schüssel aux journalistes après sa rencontre, à
Vienne, avec Balkenende.
Signe encourageant pour Ankara, Chypre – membre de l’UE depuis mai –
semble écarter l’idée d’opposer son veto à l’ouverture de pourparlers
avec Ankara.
Chypre a indiqué mardi qu’elle souhaitait améliorer ses relations
avec la Turquie sous réserve que celle-ci n’ignore pas le
gouvernement de Nicosie. La Turquie ne reconnaît que l’enclave
sécessionniste turque du nord de l’île, qui n’est pas reconnue par la
communauté internationale.
Les dirigeants turcs devront tôt ou tard reconnaître Chypre comme
l’un de ses partenaires de négociations, notent des diplomates.
Le chef de la diplomatie turque, Abdullah Gül, a néanmoins déclaré
mardi que son pays ne reconnaîtrait Chypre d’aucune façon avant que
la réunification de l’île ait fait l’objet d’un accord définitif.
“Tant qu’il n’y aura pas d’accord durable, la Turquie ne prendra
aucune mesure qui revienne à reconnaître (Chypre) directement ou
indirectement”, a dit Gül au Parlement.
A Paris, le ministre des Affaires étrangères Michel Barnier a déclaré
mardi que, pour rejoindre l’UE, la Turquie devait reconnaître que les
massacres d’Arméniens survenus après la Première guerre mondiale
constituaient un génocide. Il a précisé qu’Ankara disposait d'”une
dizaine d’années” pour le faire, dans le cadre des négociations
d’adhésion.
Les autorités turques refusent de reconnaître le massacre, entre 1915
et 1923, de centaines de milliers d’Arméniens.