La Tribune
14 décembre 2004
L’UE SOULIGNE LES DIFFICULTÉS SUR LA VOIE DE L’ADHÉSION TURQUE
La France envisage un coup d’envoi des nĂ©gociations d’adhĂ©sion au
second semestre 2005. L’idĂ©e française d’un partenariat privilĂ©giĂ©
comme alternative Ă l’adhĂ©sion ne fait pas recette.
Les ministres des Affaires étrangères, réunis hier à Bruxelles, ont
avancĂ© Ă pas comptĂ©s vers l’ouverture des nĂ©gociations d’adhĂ©sion
avec la Turquie. Le principe d’une telle nĂ©gociation a Ă©tĂ©
rĂ©affirmĂ©e. Mais il reviendra aux chefs d’Etat et de gouvernement de
l’Union europĂ©enne (UE) d’arrĂŞter, vendredi, la date de lancement de
la négociation.
Hier, le ministre français des Affaires étrangères, Michel Barnier, a
expliquĂ© qu’il souhaitait un coup d’envoi “au plus tĂ´t dans le
courant du deuxième semestre 2005”. La Grande-Bretagne, qui prĂ©sidera
alors l’Union, a le mĂŞme calendrier en tĂŞte. Ainsi, le coup d’envoi
des nĂ©gociations d’adhĂ©sion n’aurait lieu qu’après les dĂ©bats sur la
ratification du projet de traité constitutionnel.
Risque de veto chypriote. Le Conseil d’hier a permis d’Ă©loigner le
risque d’un veto chypriote. “Il y a un soutien considĂ©rable Ă Chypre
[dans l’opinion publique] pour une telle option, mais nous prĂ©fĂ©rons
ne pas y penser Ă ce moment”, a dĂ©clarĂ© le ministre chypriote des
Affaires étrangères, George Iacovou. Ce dernier a toutefois
immédiatement fait remonter la pression, en souhaitant que les
autorités turques manifestent leur volonté de normaliser leurs
relations avec Nicosie avant le sommet europĂ©en de mars prochain. “La
reconnaissance [des autoritĂ©s de Nicosie] n’est pas juridiquement un
prĂ©alable obligatoire” Ă l’ouverture des nĂ©gociations, a soulignĂ©
pour sa part Michel Barnier. “Mais politiquement et moralement, il
serait difficilement comprĂ©hensible” qu’Ankara n’engage pas cette
démarche, a-t-il estimé.
Pour compliquer encore les discussions, Michel Barnier a prévenu que
“la France [ferait] la demande, dans le courant de la nĂ©gociation,
d’une reconnaissance de la tragĂ©die du dĂ©but du [XXe] siècle qui a
touchĂ© plusieurs centaines de milliers d’ArmĂ©niens”. Un “gĂ©nocide”,
selon le terme utilisé par Michel Barnier, perpétré par les autorités
ottomanes.
La proximitĂ© du feu vert europĂ©en conduit ainsi les Vingt-Cinq Ă
insister sur les difficultĂ©s qui attendent la Turquie. “Le processus
sera long, a expliquĂ© le chancelier Gerhard Schröder, lors d’une
rencontre avec son homologue nĂ©erlandais. Nous tablons sur dix Ă
quinze ans et le rĂ©sultat est ouvert.” Et pour souligner que l’issue
des nĂ©gociations n’Ă©tait pas Ă©crite, la France ne dĂ©sespère pas de
voir les Vingt-Cinq signaler, lors du prochain sommet, qu’une
alternative existe. Un “partenariat privilĂ©giĂ©” entre l’UE et la
Turquie pourrait ainsi pallier l’adhĂ©sion en cas d’Ă©chec des
nĂ©gociations. Une “troisième voie” dont, pour l’heure, ne veut pas
entendre la Grande-Bretagne.
Jacques Chirac a abordé ce point hier lors de son entretien avec le
Premier ministre néerlandais, Jan Peter Balkenende, qui préside
actuellement l’UE. Mais la France est très isolĂ©e. “Il n’est pas
question d’un plan B ; nous ouvrons des discussions sur une
adhĂ©sion”, a expliquĂ© hier le ministre nĂ©erlandais des Affaires
étrangères, Bernard Bot.
Le Conseil a en revanche décidé, hier, que les négociations
d’adhĂ©sion de la Croatie pourraient dĂ©buter, elles, en avril
prochain, si le pays collabore avec le Tribunal pénal international.
Grégoire Pinson, à Bruxelles