Agence France Presse
5 mars 2005 samedi 8:16 AM GMT
L’Arménie survit grce aux transferts de fonds de sa diaspora (PAPIER
D’ANGLE)
Par Mariam HAROUTIOUNIAN
EREVAN 5 mars 2005
L’économie arménienne, exsangue depuis la chute de l’URSS et la
guerre du Haut-Karabakh, dépend en grande partie des transferts de
fonds des membres de sa diaspora, lesquels n’ont cessé d’augmenter
ces dernières années et devraient dépasser le milliard de dollars en
2005.
“Les transferts de l’étranger permettent à nos citoyens de conserver
un bon niveau de vie, ce qui favorise en retour la croissance du
produit intérieur brut” (PIB), souligne le président de la Banque
centrale arménienne, Tigran Sargsian.
En 2004, les transferts des Arméniens expatriés à leurs proches
demeurés au pays ont augmenté de 55% pour s’établir à 740 millions de
dollars, surpassant le budget du pays de 600 millions de dollars.
Selon la Banque centrale, ces transferts de fonds génèrent un quart
de la croissance économique.
M. Sargsian explique l’augmentation des transferts par le fait que
les Arméniens établis à l’étranger ont vu leur situation économique
s’améliorer. Les liens entre la diaspora et sa patrie d’origine se
sont également renforcés.
“La croissance économique rend l’Arménie plus attrayante pour les
Arméniens de la diaspora, lesquels investissent dans l’immobilier et
retournent vivre dans leur patrie historique”, explique le chef de la
Banque centrale.
Depuis l’effondrement de l’URSS en 1991, près d’un million
d’Arméniens ont quitté l’Arménie, un pays du Caucase dépourvu de
ressources énergétiques et qui fait l’objet d’un blocus économique de
la part de la Turquie et de l’Azerbaïdjan en raison du conflit du
Haut-Karabakh, une province azerbaïdjanaise passée sous contrôle
arménien au début des années 1990.
La plupart ont émigré en Russie, aux Etats-Unis et en Europe.
Une grande partie des quelque 3,7 millions de personnes demeurées en
Arménie dépendent aujourd’hui pour vivre de l’argent que leur
envoient leurs proches travaillant à l’étranger.
“D’autres pays peuvent compter sur des ressources complémentaires
comme le pétrole. Pour l’Arménie, cette ressource est son importante
diaspora” et ses travailleurs émigrés, dit l’économiste Levon
Barkhoudarian.
M. Barkhoudarian estime que les fonds rapatriés permettent de
diminuer les tensions sociales et politiques dans le pays.
Mais d’autres experts mettent en garde contre les effets pervers de
tels transferts.
Vagram Avanessian estime qu’en plus d’handicaper la production locale
et d’augmenter les importations, ces transferts créent une
dépendance.
Beaucoup d’Arméniens risquent ainsi de devoir encore longtemps vivre
loin de chez eux même s’ils souhaiteraient rentrer.
“Pendant des années, mon mari a cherché vainement du travail en
Arménie et a dû partir travailler à l’étranger, même si c’était très
difficile pour lui de quitter sa famille”, raconte Anna, 36 ans, mère
de deux enfants. “Chaque fois qu’il téléphone, il demande s’il y a du
travail pour lui au pays”.
Le mari d’Anna travaille depuis cinq ans dans la construction dans
une petite ville de Russie et envoie tous les mois entre 300 et 400
dollars à sa famille.
Vardan, 60 ans, vit de l’argent que sa fille aînée lui envoie des
Etats-Unis: “Ma fille Marina travaille comme nourrice depuis deux ans
bien qu’elle soit diplômée de l’Ecole polytechnique d’Erevan”,
explique-t-il.
“Personne ne s’étonne plus qu’un ancien instituteur fasse du commerce
dans les rues de Moscou ou qu’un scientifique soit chauffeur de taxi
à Madrid”, ajoute le vieil homme.
Les Arméniens qui ont émigré pour des raisons économiques depuis 1991
travaillent principalement dans les services, le commerce et la
construction, selon des données de la Banque centrale.