La Croix
21 mars 2005
Hommage. Gérard Stéphanesco semblait destiné à ce rôle de médiateur
entre l’Occident et le Proche-Orient. Gérard Stéphanesco, l’oeil des
Églises d’Orient. Jean-Pierre Mahé, Membre de l’Institut
MAHE Jean-Pierre
Lundi 7 mars, dans un esprit oecuménique, on célébrait à la
cathédrale arménienne de Paris, selon le rite maronite, le service
funèbre du journaliste Gérard Stéphanesco (1926-2005). L’Église
apostolique arménienne et les autres Églises orientales sont si
étroitement liées aux identités nationales qu’elles n’accompagnent
pas si souvent “dans la Jérusalem céleste” un chrétien étranger à
l’Orient. Mais depuis longtemps, Gérard Stéphanesco leur était bien
connu. Ses émissions de radio et de télévision “Foi et traditions des
chrétiens orientaux” étaient devenues un repère culturel important
pour tous les auditeurs curieux des origines chrétiennes ou épris de
l’originalité des Églises proches des lieux de la révélation et du
berceau des plus vieilles civilisations du monde.
Gérard Stéphanesco semblait destiné à ce rôle de médiateur entre
l’Occident et le Proche-Orient. Né à Paris en 1926 d’une mère
française et d’un père roumain, il reçut à Bucarest une éducation
polyglotte et européenne avant l’heure. Il se partagea dès
l’adolescence entre la France et la Roumanie, l’orthodoxie de son
père et le catholicisme de sa mère, auquel il resta attaché toute sa
vie. Cette fidélité s’accompagnait d’une fascination pour les
origines orientales du christianisme et pour les évolutions
historiques complexes qui ont déterminé la situation actuelle des
diverses Églises chrétiennes.
En 1964 il est chargé, comme producteur délégué, de présenter les
Églises orientales à la radio et, l’année suivante, à la télévision,
dans le cadre des émissions religieuses du dimanche matin. Il fallait
intéresser le grand public à la vie de ces communautés si diverses,
tantôt issues des patriarcats d’Alexandrie (chrétiens de rite copte
et éthiopien), d’Antioche (rites maronite, syrien et assyrien), ou
encore de Constantinople: orthodoxes ou catholiques de rite
byzantino-slave, au Proche-Orient et en Europe de l’Est notamment.
Sans parler de l’Arménie, premier État devenu chrétien dans
l’Histoire, et de toute sa diaspora.
Gérard Stéphanesco était avant tout un homme de contact et de
terrain. Quand on allait chez lui, on découvrait, accrochées au mur,
d’innombrables photographies de prélats et patriarches qu’il avait
rencontrés dans tout le Proche-Orient. Débordant par principe le
cadre liturgique et cultuel, il s’efforçait d’inscrire la religion
dans la vie culturelle et l’histoire des communautés.
Dans toutes ses activités, il resta fidèle à trois convictions fermes
et simples: toutes les Églises chrétiennes, dans leur diversité,
constituent ensemble l’unique Corps du Christ; le christianisme est,
par nature, une religion orientale, et à ce titre les Églises
orientales détiennent une part irremplaçable des traditions
chrétiennes; enfin, l’Église arménienne offre un exemple admirable de
fidélité aux origines du message évangélique.
Les émissions “Foi et traditions des chrétiens orientaux” ont offert
ainsi une véritable ouverture sur des aspects insoupçonnés du
Proche-Orient. Elles révèlent la profondeur des racines culturelles
et la consanguinité foncière des grandes religions du Livre. C’est un
vaste champ de recherches, qui garde plus que jamais sa légitimité.
Il faut espérer que ce rendez-vous, attendu chaque mois par de
nombreux téléspectateurs, sera maintenu dans les programmes du
dimanche matin.
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