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NEWS Press
24 mars 2005

Amnesty International – TURQUIE – La liberté de la presse menacée par
le nouveau Code pénal

par Amnesty International

Ces jours derniers, les groupes de presse turcs ont exprimé leur
préoccupation au sujet du nouveau Code pénal, qui doit entrer en
vigueur le 1er avril 2005. Des organismes professionnels, tels que le
Conseil de la presse et la Société des journalistes de Turquie, ont
appelé le gouvernement à revoir de toute urgence la nouvelle
législation, dont ils craignent qu’elle ne limite la liberté de la
presse. Le ministre de la Justice, Cemil Cicek, a déclaré que le
gouvernement pourrait revoir cette législation. Amnesty International
partage les préoccupations des organismes de presse et exhorte le
gouvernement à prendre des mesures pour mettre le droit turc en
conformité avec le droit et les normes internationaux relatifs aux
droits humains concernant la liberté d’expression.

Certes, le nouveau Code pénal introduit beaucoup de changements
positifs – tout particulièrement en supprimant les articles
discriminatoires à l’égard des femmes – mais il contient encore de
nombreuses restrictions aux droits fondamentaux. Certaines
dispositions, que les autorités ont déjà utilisées par le passé en
violation des normes internationales relatives à la liberté
d’expression, ont été conservées. Par exemple, l’article 159 de
l’ancien Code pénal, qui qualifiait d’infraction le fait « d’insulter
ou de dénigrer » diverses institutions publiques, et dont Amnesty
International avait demandé l’abrogation à plusieurs reprises,
réapparaît à l’article 301 du nouveau Code pénal, dans un chapitre
intitulé « Crimes contre les symboles de la souveraineté de l’État et
contre l’honneur de ses organes » (articles 299 à 301). Amnesty
International craint que ce chapitre ne soit utilisé pour poursuivre
des personnes pour la seule expression légitime de leurs désaccords
et opinions.

Par ailleurs, certains nouveaux articles semblent introduire de
nouvelles restrictions aux droits fondamentaux. Par exemple,
l’article 305 du nouveau Code pénal qualifie d’infraction les « actes
contraires à l’intérêt fondamental de la nation ». L’explication
écrite qui accompagnait le projet de Code pénal lors de son examen
par le Parlement citait, à titre d’exemple, des actes tels que « la
propagande en faveur du retrait des soldats turcs de Chypre ou d’un
règlement de ce problème au détriment de la Turquie […] ou le fait
de prétendre, contrairement à la vérité historique, que les Arméniens
ont été victimes d’un génocide après la Première Guerre mondiale ».
Amnesty International considère que toute condamnation pénale pour de
tels propos – sauf en cas de volonté ou de probabilité de déclencher
des violences dans un délai imminent – constituerait une violation
flagrante des normes internationales relatives à la liberté
d’expression.

En outre, beaucoup des articles du nouveau Code pénal prévoient des
peines plus élevées lorsque le « crime » a été commis par voie de
presse et laissent entrevoir la possibilité de condamner des
journalistes à des peines de prison. Le président du Conseil de la
presse, Oktay Eksi, a qualifié la nouvelle législation de « revers
fâcheux pour la liberté d’expression et la liberté de la presse ».

Complément d’information

Le nouveau Code pénal a été présenté par le gouvernement comme moins
restrictif et plus démocratique ; il a été adopté précipitamment par
le Parlement en septembre 2004 sous la pression de l’Union
européenne. Cette pression semble avoir eu pour conséquence de
limiter les consultations avec les membres de la société civile, tels
que les représentants de la presse et les groupes de défense des
droits humains, et pourrait avoir contribué à la persistance de
certains problèmes dans la nouvelle législation.

Amnesty International est aussi préoccupée par des aspects du Code
pénal portant sur d’autres domaines que la liberté d’expression. Par
exemple, l’article 122 du nouveau Code pénal, qui interdit la
discrimination pour des raisons « de langue, de race, de couleur, de
genre, d’opinion politique, de croyance philosophique, de religion,
de confession, etc. », a été amendé au dernier moment afin que l’«
orientation sexuelle » n’y figure pas. Amnesty International déplore
donc le fait que la discrimination fondée sur la sexualité ne soit
pas considérée comme une infraction dans la nouvelle législation.

En outre, l’organisation s’inquiète du maintien d’un délai de
prescription pour les affaires de torture. En effet, même si le
nouveau Code pénal allonge ce délai, les procès d’auteurs présumés de
torture sont souvent reportés délibérément jusqu’à ce que les
poursuites soient abandonnées pour cause de prescription, ce qui
contribue à créer un climat d’impunité. Étant donné que cette
situation se produit souvent et que la torture est une norme
impérative du droit international général, Amnesty International
considère qu’il ne devrait pas exister de prescription pour ce crime.

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