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PE : CONFERENCE SUR LES ARMENIENS DE TURQUIE
LES VERTS ADOPTENT LE DISCOURS DE LA TURQUIE
Une réunion intitulée “Les Arméniens en Turquie” s’est déroulée ce
mardi 12 avril au Parlement européen à Strasbourg, à l’initiative de
M. Cem Özdemir (Verts, Allemagne). Trois intervenants étaient invités
à s’exprimer, devant une cinquantaine de participants, lors de cette
réunion placée sous l’égide des Verts, mais bénéficiant de tout
l’appui logistique des services diplomatiques turcs : M. Taner Akçam,
historien et ex-dissident turc ayant traité de la question du
génocide, M. Etyen Mahçupyan, Arménien de Turquie et journaliste au
quotidien Zaman et M. Hrant Dink, rédacteur en chef d’Agos, un
hebdomadaire arménien de Turquie.
La Fédération Euro-Arménienne avait au préalable mis en garde les
parlementaires européens sur les risques de manipulation inhérents à
ce type de spectacle, où des membres d’une minorité otage seraient
contraints de prôner l’adhésion de la Turquie à l’Europe comme
solution à leurs problèmes, tout en évitant d’aborder les questions
taboues. Comme pour confirmer ces craintes, M. Özdemir est parvenu,
lors de son introduction du sujet de la conférence, à éviter le terme
de génocide reprenant en cela la présentation donnée par l’invitation
imprimée qui esquivait également ce terme en le présentant comme une
“interprétation historique”.
Dans son intervention centrée sur les preuves documentées du génocide,
M. Akçam a démontré de manière accablante la formidable entreprise de
falsification et d’invention d’archives par la Turquie. Il a réfuté
les prétendues incohérences entre celles-ci et les archives
occidentales en expliquant clairement que ces dernières avaient été
expurgées et même fabriquées. Il a conclu en notant que ceux qui
s’aventuraient à vouloir consulter ces archives étaient quand bien
même soumis à des menaces.
M. Mahçupyan a pour sa part stigmatisé l’emploi du terme “génocide”
comme signifiant juridique et comme blocage à tout dialogue. Il a mis
l’accent sur le rapport de devoir et de soumission entre l’Etat et le
citoyen en Turquie. Tout en soulignant la continuité idéologique entre
les responsables du Génocide et l’Etat kémaliste, il a renvoyé dos à
dos Turcs et Arméniens pour lesquels “la défense de l’identité devient
l’identité”. Il a conclu par la dialectique turque selon laquelle il y
aurait deux approches de cette question, l’approche arménienne et
l’approche turque.
M. Dink enfin, a avancé que c’était “beaucoup attendre que de demander
à cette société de définir et de nommer ce qui s’est déroulé il y a 90
ans” et qu’il valait mieux se demander si “cette société nie ce
qu’elle sait ou si elle ne peut défendre ce qu’elle ne sait
pas”. N’hésitant pas à parler d’ouverture en évoquant les propositions
turques de commission d’historiens, M. Dink a cependant précisé que
“les relations arméno-turques ne se limitent pas à l’Histoire” et que
“le dossier politique doit primer sur le dossier
historique”. Absolvant l’Etat turc, il a finalement conclu à la
responsabilité “écrasante” des Européens sur la question du Génocide
en les assignant de reconstruire les relations arméno-turques à tous
les niveaux.
“Les discours des deux représentants de la minorité arménienne de
Turquie brillaient par leur ambiguïté et leur incohérence. Comme nous
pouvions le craindre, ces personnes mues par une peur viscérale
s’autocensurent tant au niveau des idées qu’au niveau de la
terminologie” a noté Laurent Leylekian, le directeur de la Fédération
Euro-Arménienne. “Leurs propos tournaient autour du problème central
du génocide en l’évitant à tout prix” a-t-il ajouté.
En vérité cette conférence n’avait absolument pas pour objectif de
faire progresser la reconnaissance du génocide par Ankara, ni même
d’alléger le sort des Arméniens de Turquie” a constaté Laurent
Leylekian. “Comme l’annonçait explicitement l’invitation il s’agissait
plutôt de trouver des solutions, c’est-à-dire des décharges, à cet
obstacle majeur à son intégration à l’Union européenne qu’est le
négationnisme d’Etat de la Turquie.” a-t-il continué.
“Cette conférence se situait dans la droite ligne de la stratégie
turque, visant à exclure cette question du champ des relations
internationales en la centrant sur des controverses de détail et en la
réduisant à une question propres aux sociétés arméniennes et turques”
a précisé Laurent Leylekian. “Ce qui est nouveau, c’est qu’Ankara
essaie maintenant d’opposer les ‘mauvais’ Arméniens de diaspora aux
‘bons’ Arméniens de Turquie en faisant de ces derniers les instruments
de sa politique. Néanmoins, les censures et les limites de ces otages
n’échappent à personne” a expliqué le directeur de la Fédération
Euro-Arménienne.
“Les Européens ne doivent pas tomber dans ce piège comme ils sont
tombés il y a quelques années dans le piège des pseudo réconciliations
sans reconnaissance. La situation est claire : la Turquie a commis un
crime imprescriptible, le génocide des Arméniens, et elle doit assumer
cette responsabilité par une reconnaissance pleine et entière pour se
conformer aux principes de l’Union européenne. Le négationnisme
aujourd’hui comme le génocide hier ne signifient rien d’autre que le
rejet des valeurs européennes” a estimé Laurent Leylekian.
“Provenant du groupe des Verts, qui met depuis des années toute son
énergie à lutter contre la tendance naturelle du Parlement européen à
appeler la Turquie à ses responsabilités, cette initiative apparaît au
grand jour comme une tentative de diversion inspirée par l’Etat turc ”
a-t-il conclu.