Armenie: des images et des mots contre l’oubli, 90 ans plus tard

Agence France Presse
15 avril 2005 vendredi 6:24 AM GMT

Arménie: des images et des mots contre l’oubli, 90 ans plus tard
(PRESENTATION)

PARIS 15 avr 2005

A l’occasion du 90e anniversaire du génocide arménien, plusieurs
livres, dans des genres différents, paraissent afin que soit “inscrit
dans l’éternité l’abîme éprouvé par tout un peuple”, selon un des
auteurs, Annick Asso.

Le photographe Bardig Kouyoumdjian est retourné à Alep, Meskéné,
Markadé ou Deir-es-Zor (qui donne au livre son titre), là où des
centaines de milliers d’Arméniens ottomans déportés se sont
retrouvés. Il signe (avec Christine Siméone pour le texte) un ouvrage
photographique, le premier du genre, sur ce sujet.

Cette zone porte “les restes des morts et la descendance des
survivants”, note-t-il, désireux de lutter contre “l’oubli” qui “a
creusé la terre plus sûrement que la sécheresse”. Quand, à son
arrivée, il cherche le quartier des déportés, personne ne peut le
renseigner.

Lui-même petit-fils de rescapé, il parvient toutefois à retrouver les
descendants des victimes, gens fiers de leur identité arménienne,
pour qui finalement “raconter le génocide est l’essence même de leur
survie”. Son périple est illustré en noir et blanc par des visages
graves.

La parole est aussi donnée aux survivants dans “Le Cantique des
larmes”. Parmi les témoignages rassemblés par Annick Asso à partir de
fonds d’archives, les histoires d’horreur se succèdent. “Leurs récits
sont des paroles de vie”, dit-elle en ajoutant: “il est temps que les
vivants puissent envisager le deuil et le pardon”.

la notion de “crimes contre l’humanité”

“Le tigre en flammes” est un livre fort, traduit en une dizaine de
langues. L’Américain de souche arménienne, Peter Balakian, revient
sur le contexte géopolitique dans lequel les massacres ont été
commis. Si le commandement interallié à Londres évoque en mai 1915 –
pour la première fois dans l’histoire – la notion de “crimes contre
l’humanité”, rien ne se passe quand vient la victoire alliée: au nom
des intérêts commerciaux de l’Occident, il s’agit alors de calmer le
jeu, explique Balakian qui parle de “l’hypocrisie” de l’Occident.

Dans “La Politique du Sultan”, document paru en 1897 et qui était
épuisé, l’helléniste Victor Bérard revient sur les massacres des
Arméniens organisés par le sultan Abdul-Hamid II (qualifié d'”Ubu
turc”) en 1894-1896, prélude aux “événements” de 1915. “L’Arménie est
unie à nous par des liens de famille, elle prolonge en Orient le
génie latin”, écrit-il en citant Anatole France.

Enfin, Jacques Der Alexanian raconte, dans la saga romanesque
“Arménies, Arménie: un nom pour héritage”, le destin des enfants
d’Arméniens arrivés en France dans les années 1920.

La date du 24 avril 1915 marque symboliquement le début du génocide
arménien. Massacres et déportations d’Arméniens ont fait, entre 1915
et 1917, plus de 1,2 million de morts, selon les Arméniens.

(“Deir-es-Zor”, Actes Sud, 128 pages, 22 euros, “Le cantique des
larmes”, La Table Ronde, 304 pages, 21 euros, “Le Tigre en flammes”,
Phébus, 512 pages, 22,50 euros, “La Politique du Sultan”, Le Félin,
160 pages, 17,95 euros, “Arménies, Arménie”, L’Harmattan, 304 pages,
22,90 euros)