L’Etat Turc continue de nier le genocide Armenien. pourquoi?

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L’Etat Turc continue de nier le gĂ©nocide ArmĂ©nien. pourquoi ?

Conférence au Mémorial de la Shoah dans le cadre du 90ème anniversaire
du génocide arménien

Trois historiens de renom ont cherché hier à expliquer le génocide
armĂ©nien et sa nĂ©gation Ă  l’occasion d’une confĂ©rence remarquĂ©e Ă 
l’auditorium Edmond Safra du MĂ©morial de la Shoah, Ă  Paris. La
confĂ©rence Ă©tait organisĂ©e par le MĂ©morial en partenariat avec l’UGAB
Ă  l’occasion du 90ème anniversaire du gĂ©nocide des ArmĂ©niens de
l’Empire ottoman, en 1915.

OrganisĂ©e au lendemain de la diffusion du documentaire d’Arte
“GĂ©nocide armĂ©nien”, la confĂ©rence a attirĂ© un public si nombreux
-environ 150 personnes- qu’en plus du grand auditorium Edmond Safra,
les organisateurs ont dĂ» ouvrir une deuxième salle d’oĂą l’on a pu la
suivre par écran vidéo interposé.

Les débats étaient présidés par Yves Ternon, historien, spécialiste
des gĂ©nocides et docteur en histoire Ă  l’UniversitĂ© de Paris
IV-Sorbonne, Raymond Kevorkian, historien, directeur de recherches et
conservateur de la bibliothèque Nubar, et Hans Lukas Kieser,
historien, enseignant Ă  l’UniversitĂ© de Zurich.

Dans la grande salle situĂ©e sous le “Mur des Noms” consacrĂ© Ă  la
mĂ©moire des victimes de l’Holocauste, ils se sont attachĂ©s Ă  analyser
l’idĂ©ologie qui a inspirĂ© le gĂ©nocide, les mĂ©canismes de la dĂ©cision
ainsi que la démarche de la négation.

Selon Hans Lukas Kiezer, ce n’est pas seulement l’ethno-nationalisme
-le turquisme- qui inspire les dirigeants turcs de 1915, mais aussi le
social-darwinisme qui oppose les “races” dans une lutte pour la
survie, ainsi que le culte de la raison d’Etat, dont la prĂ©servation
justifie l’extermination de ceux qui sont perçus comme une menace pour
sa survie.

Au-delĂ  de l’idĂ©ologie des meurtriers se pose la question du passage Ă 
l’acte : comment et quand fut-il dĂ©cidĂ© d’exterminer les ArmĂ©niens ?
Pour Raymond Kevorkian, la dĂ©cision ne s’est pas prise en une fois,
mais, en gros, en trois Ă©tapes. Il fut d’abord dĂ©cidĂ©, dĂ©but 1914, de
dĂ©porter les ArmĂ©niens. Ce n’est qu’après l’effondrement de l’armĂ©e
turque du Caucase face aux Russes, principalement dĂ» au froid et aux
Ă©pidĂ©mies, Ă  l’hiver 1914-1915, que la dĂ©cision fut prise de les
Ă©liminer. C’est enfin vers le milieu de 1916 que le gouvernement de
l’Ă©poque prend de nouvelles mesures pour complĂ©ter la tâche et
supprimer la plupart des 500 000 Arméniens survivant encore en
Syrie. C’est Ă  cette Ă©poque aussi que l’on dissout le Patriarcat
armĂ©nien de Constantinople, sous prĂ©texte qu’il n’y a dĂ©sormais plus
d’ArmĂ©niens en Turquie.

“Il n’y a pas de gĂ©nocide sans nĂ©gationnisme” : Yves Ternon dĂ©montre
que la thĂ©orie du complot et la perception d’une menace vitale se
retrouvent dans tous les génocides et, particulièrement, dans le cas
arménien. La spécificité de la négation du génocide des Arméniens
rĂ©side dans le fait que c’est un Etat qui en est le principal auteur,
et qu’il dĂ©ploie ses ressources au service de cette cause, y compris
celles de l’ordre judiciaire ou de l’enseignement. Au niveau de
l’argumentation, les autoritĂ©s turques recourent principalement au
renversement de la culpabilitĂ© (“ce sont les ArmĂ©niens qui ont
massacrĂ© les Turcs”), renvoient face Ă  face la “thèse armĂ©nienne” et
la “thèse turque”, ou encore recourent Ă  l'”hypercriticisme”, qui
consiste Ă  reculer sans cesse l’administration de la preuve, et Ă 
d’autres procĂ©dĂ©s dilatoires. Un procĂ©dĂ© en vogue consiste enfin Ă 
gagner du temps par des offres de dialogue sur l’interprĂ©tation
historique- dialogue qui donne l’apparence de la bonne
volontĂ©. “Imaginez, dĂ©clare Yves Ternon au public du MĂ©morial, que
l’Allemagne propose Ă  IsraĂ«l un dialogue pour discuter s’il y a eu ou
non un gĂ©nocide pendant la deuxième guerre mondiale=85”

Si tous les orateurs conviennent qu’une vĂ©ritable dĂ©mocratisation de
la Turquie passera inévitablement par une remise en cause fondamentale
du “tabou armĂ©nien”, ils ne sont pas tous optimistes quant aux
perspectives de changement dans la position du gouvernment turc. Hans
Lukas Kiezer souhaite que les “amis de la Turquie” utilisent les
opportunitĂ©s qu’offre le processus actuel d’adhĂ©sion de la Turquie Ă 
l’UE pour y faire avancer le dĂ©bat et met en garde contre
l’instrumentalisation du gĂ©nocide armĂ©nien Ă  des fins politiques. Mais
Yves Ternon, “n’a pas confiance”. Il ne croit guère Ă  une remise en
cause spontanĂ©e, issue d’un dĂ©bat en Turquie mĂŞme.

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