Le Temps
26 juillet 2005
Le chef de la diplomatie turque prend la Suisse pour cible;
GENOCIDE ARMENIEN. Le Département fédéral des affaires étrangères se
dit «surpris» par les critiques d’Abdullah Gül.
Rebelote. Le ministre des Affaires étrangères turc, Abdullah Gül,
critique à nouveau la Suisse pour ses enquêtes pour négation du
génocide arménien. L’interrogatoire de Dogu Perincek, chef du Parti
des travailleurs turcs, mené vendredi à Zurich, est à ses yeux
inacceptable, a-t-il fait savoir ce week-end et lundi dans plusieurs
médias turcs. La Turquie ne peut pas accepter que de telles actions
soient dirigées contre un représentant d’un parti politique national,
estime-t-il. Abdullah Gül n’a pas encore réagi officiellement auprès
du gouvernement suisse, que ce soit via l’ambassade de Suisse en
Turquie, ou via celle de Turquie à Berne, assurait lundi le
Département fédéral des affaires étrangères (DFAE). Le DFAE se dit
toutefois «surpris» par les propos du ministre relayés par la presse.
Dogu Perincek a déclaré vendredi lors d’une conférence de presse à
Glattburg (ZH) que le génocide arménien était un «mensonge des
impérialistes». Ceci dans le cadre de la commémoration du Traité de
Lausanne, qui a délimité les frontières de la Turquie moderne en
1923. Ces propos ont valu au chef de parti d’extrême gauche d’être
entendu dès le lendemain par le juge d’instruction de Winterthour,
pendant plus de deux heures.
Dogu Perincek est déjà sous le coup d’une enquête pénale dans le
canton de Vaud pour des propos similaires tenus en mai dans sa
capitale. Il a récidivé lors de la manifestation de dimanche à
Lausanne. Un autre Turc est sous le coup d’une enquête pour négation
du génocide arménien: l’historien Yusuf Halacoglu. Le Ministère
public de Winterthour a ouvert une enquête contre lui en mai pour un
discours tenu une année auparavant. Un acte qui provoqua déjà l’ire
d’Abdullah Gül. L’ambassade turque à Berne fut alors chargée de faire
part de son indignation au DFAE.
Une certaine nervosité plane donc à nouveau sur les relations entre
la Suisse et la Turquie. En mars dernier, le ministre des Affaires
étrangères turc avait pourtant fait preuve d’une certaine ouverture
en recevant Micheline Calmy-Rey, après plusieurs épisodes tendus dont
la reconnaissance du génocide arménien par le Grand Conseil vaudois
qui avait poussé les autorités turques à déclarer la conseillère
fédérale persona non grata. Abdullah Gül avait notamment déclaré être
prêt à mettre sur pied une commission indépendante d’experts «pour
élucider les événements de 1915», initiative saluée par Micheline
Calmy-Rey. Le voilà apparemment moins disposé à faire cet effort. Ces
nouvelles tensions interviennent alors que Joseph Deiss, ministre de
l’Economie, se prépare à effectuer un voyage en Turquie en septembre.
Aucune date n’a toutefois encore été fixée.