SERPENTS ET DEMONS CORNUS: LA PROPAGANDE ANTI-ARMENIENNE D’UN ARTISTE AZERI (MAGAZINE)
Agence France Presse
3 octobre 2005 lundi 8:09 AM GMT
BAKOU 2 oct 2005
Sur une swastika, un serpent noir aux crochets suintant du venin
aspire a la domination mondiale, mais en est empeche a temps par des
tenailles metalliques manipulees par six bras puissants.
Ce n’est pas une affiche de propagande de la Seconde guerre mondiale
decrivant les efforts allies pour contenir l’Allemagne nazie, mais
une oeuvre recemment exposee a Bakou, l’une des dernières de Kerim
Kerimov, artiste azerbaïdjanais qui s’est donne pour mission de
denoncer “l’hegemonie armenienne”.
Rampant sur le globe en direction de l’Azerbaïdjan, le serpent
represente l’Armenie qui veut une “Grande Armenie”, assure M.
Kerimov, tandis que les six bras qui tiennent les tenailles sont
ceux des “frères turcs” de l’Azerbaïdjan, comme la Turquie et le
Turkmenistan.
President du Comite national azerbaïdjanais des geophysiciens, M.
Kerimov n’est pas qu’un artiste. C’est un scientifique bien connu des
milieux petroliers pour le rôle qu’il a joue au milieu des annees 1990
dans la signature du “contrat du siècle”, qui a marque le lancement
de la participation occidentale dans le developpement des reserves
petrolières azerbaïdjanaises de la mer Caspienne.
Peu de gens savent qu’il est l’auteur prolifique de dessins politiques
publies depuis un demi-siècle maintenant, dans les journaux sovietiques
puis ceux de l’Azerbaïdjan independant.
Une grande partie de son oeuvre s’en prend a l’Armenie et met en avant
la politique officielle de Bakou contre son voisin qui, suite a une
guerre sanglante au debut des annees 1990, a de fait pris le contrôle
du Nagorny-Karabakh, territoire azerbaïdjanais peuple en majorite
d’Armeniens et qui a proclame unilateralement son independance.
La plupart des gens a Bakou vous diront que l’Azerbaïdjan est entoure
d’ennemis, parmi lesquels bien sûr l’Armenie, forte du soutien russe
et de sa riche diaspora, mais egalement les forces d’opposition en
Azerbaïdjan meme, ainsi que certains ayatollahs iraniens.
M. Kerimov va plus loin encore et trace le portrait d’Armeniens
monstrueux et cornus posant une patte griffue sur la carte de
l’Azerbaïdjan ou placant une bombe geante entre le pays et son
allie turc.
Kerim Kerimov, 72 ans, a appris a dessiner a l’ecole du realisme
socialiste, a une epoque où l’Azerbaïdjan et l’Armenie faisaient
partie d’un meme pays, et se decrit lui meme comme un disciple du
caricaturiste sovietique Boris Efimov.
Et si M. Efimov etait celèbre pour ses dessins de propagande
representant un Hitler difforme, M. Kerimov a pour cible l’ennemi
moderne de l’Azerbaïdjan.
“Je ne veux pas que les Armeniens me considèrent comme un ennemi”,
dit-il cependant, affirmant avoir ete menace de mort par toutes sortes
d'”ennemis” de l’Azerbaïdjan.
“Je veux qu’ils realisent que la politique qu’ils mènent n’est pas
bonne: alors la vie sera meilleure pour nos deux peuples”, estime-t-il.
Mais ses bonnes intentions ont peu de chances d’etre entendues par
les Armeniens, qu’il represente dans ses dessins en demons poilus ou
en membres du Ku Klux Klan en cagoule blanche.
L’Armenie, qui fait l’objet d’un blocus de ses voisins turc et
azerbaïdjanais, est accusee par certains de ses adversaires de chercher
a etendre son territoire.
L’enclave du Nagorny Karabakh, habitee aujourd’hui par quelque 145.000
Armeniens et soutenue par Erevan, s’est unilateralement separee de
l’Azerbaïdjan a l’issue d’un conflit arme qui a fait près de 25.000
morts.
L’Azerbaïdjan ne reconnaît pas les autorites independantistes du
Karabakh et considère que la region est occupee par l’Armenie depuis
le cessez-le-feu de 1994.
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