Les Armeniens de Lyon envisagent une riposte

La Croix , France
22 mars 2006

Polémique. Les Arméniens de Lyon envisagent une riposte. La
communauté arménienne de Lyon reste indignée par une manifestation
négationniste qui s’est tenue samedi. Lyon, de notre correspondant
régional.

TOSSERI Bénévent

“Cette manifestation n’aurait jamais dû être autorisée.” Les slogans
lancés samedi dernier à Lyon au cours d’un rassemblement organisé par
un collectif d’associations franco-turques hostiles à l’édification
d’un mémorial du génocide arménien entretiennent la colère de la
communauté arménienne. “Il n’y a jamais eu de génocide”, “Nous sommes
fiers de notre passé”, pouvait-on lire sur quelques-unes des
pancartes brandies par un cortège composé de 2 500 à 3 000 personnes
radicalisées et très encadrées. “Nous avons mandaté un huissier pour
prendre des clichés. Sur une quinzaine d’entre eux, on remarque des
inscriptions négationnistes, relève Jules Mardirossian, président de
l’association du mémorial. Nous étudions avec nos avocats les suites
à donner à cette affaire.”

L’organisateur de la manifestation contestée, c’est le Comité de
coordination des associations turques, officiellement motivé par la
volonté d’ “éviter la propagation de la haine”. Le préfet du Rhône,
Jean-Pierre Lacroix, avait mis en avant cette déclaration d’intention
pour justifier son autorisation, malgré les multiples mises en garde
des responsables de la communauté arménienne et de plusieurs
personnalités politiques. “D’un point de vue juridique, nous n’étions
pas en mesure d’interdire la manifestation. À présent, a-t-il déclaré
lundi lors d’une conférence de presse, nous avons des preuves et
j’interdirai tout autre rassemblement de ce type.”

À l’indignation succède une interrogation: la manifestation a-t-elle
été inspirée par les autorités turques? C’est ce que suggère la
concomitance d’un autre rassemblement organisé le jour même à Berlin
en l’honneur de Talaat Pacha, considéré comme l’ordonnateur des
massacres d’Arméniens en 1915-1917. “Les cortèges étaient semblables,
estime Philippe Videlier, historien au CNRS à Lyon. Ils étaient
composés de membres des Loups gris, un mouvement d’extrême droite,
ainsi que d’autres groupuscules nationalistes, qui gravitent autour
des consulats. Soulignons que la manifestation lyonnaise était
annoncée à la télévision turque, et largement couverte par la presse
turque.”

De fait, le consulat de Turquie à Lyon continue de parler du mémorial
qui doit être érigé à proximité de la place Bellecour comme d’une
“provocation”, menaçant la municipalité d’un “vote sanction des 25
000 électeurs franco-turcs”. Une position relayée au cours des
semaines passées par des “pétitions à caractère négationniste et un
climat de guérilla active”, selon le président du groupe socialiste
au conseil municipal de la ville de Lyon, Yves Sécheresse.

Dans ce climat, et malgré les assurances données par le préfet, les
responsables de la communauté arménienne de Lyon (40 000 membres)
restent inquiets, à un mois de l’inauguration du mémorial, le 24
avril prochain, date de commémoration du génocide arménien, qui fit
plus d’un million de victimes entre 1915 et 1917. Martine David,
député-maire de Saint-Priest (Rhône), s’est saisie de l’événement
pour porter hier devant le groupe socialiste à l’Assemblée nationale
une proposition visant à “compléter la loi de janvier 2001 (par
laquelle la France reconnaît le génocide arménien, NDLR) en ajoutant
un second article qui condamne le négationnisme du génocide
arménien”.

BENÉVENT TOSSERI