LE MEMORIAL ARMENIEN A BON PORT
Geraud Alice
Liberation
25 avril 2006
Le monument du genocide a ete inaugure dans le calme hier a Lyon.
Lyon correspondance
Certains, riverains et politiques, craignaient que le monument ne soit
“trop visible”. Ils ont dû etre rassures. Hier, en fin de journee,
on ne voyait quasiment plus les trente-six fines feuilles de beton
blanc qui composent le memorial du genocide armenien, place Antonin
Poncet, en plein centre ville de Lyon. Trop de monde autour.
Massees dans un silence souvent embue de larmes, près de deux mille
personnes sont venues assister a la ceremonie d’inauguration du
memorial. Cette rencontre qui aurait dû avoir lieu il y a deja un an,
pour le 90e anniversaire du genocide.
C’etait sans compter les nombreux opposants au projet (Liberation du
22 avril). Des riverains de la place, en premier lieu. Regroupes
en association, et emmenes par la conseillère municipale UMP
Marie-Chantal Desbazeille, ils jugeaient que l’oeuvre n’aurait pas
dû etre installee “en plein coeur de Lyon”, “sur une des plus belles
places d’Europe”. Ils ont depose pas moins de quatre recours devant
le tribunal administratif pour empecher sa construction. Puis, plus
recemment, il y eut les debordements et declarations d’une partie de
la communaute turque. Une manifestation violente fin mars. Des tags
negationnistes la semaine dernière.
Hier, en ouverture de la ceremonie, une jeune fille a pris la parole.
Cette descendante de rescape du genocide, a raconte une histoire.
Parabole du SDF a qui l’on offrirait bien l’hospitalite mais dont on
craint qu’il ne salisse le tapis de ses souliers crottes. “Voila ce
que je ressens lorsque l’on evoque le genocide armenien.” La jeune
fille evoque une “memoire pietinee en permanence par le negationnisme
des uns et la xenophobie des autres”. Elle explique, simplement,
que ce memorial n’est “ni un caprice ni un luxe”, “juste un besoin
pour nos victimes qui n’ont pas eu de sepulture”. Citant Jaurès,
le maire de Lyon Gerard Collomb a rappele que “l’humanite ne peut
plus vivre avec, dans sa cave, le cadavre d’un peuple assassine”.
Autour de la place, le deploiement policier depuis le debut
d’après-midi temoignait des craintes d’incidents. Il n’y en a pas eu.
La seule tension palpable, eu lieu entre le maire de Lyon et le
ministre des Transports Dominique Perben : petites piques entre
candidats au trône municipal. Le premier se bat depuis deux ans pour
que ce memorial se fasse. Le second se bat pour venir l’inaugurer
en tant que “representant du chef de l’Etat”. Decalage des enjeux
au milieu d’une ceremonie que l’on sentait lourde d’emotion pour la
communaute armenienne.
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