Arménie – De Noé au KGB
Benoît Legault
Édition du samedi 27 et du dimanche 28 mai 2006
Mots clés : Arménie (Pays), Tourisme, kgb
Les essieux du minibus touristique se tordent de déplaisir. Les
passagers sont projetés vers la gauche, vers la droite, puis de bas en
haut. Nous sommes sur une route de campagne assez banale en Arménie,
où le réseau routier a été torturé par le grand tremblement de
terre de 1989. Une partie de ce réseau n’a pas encore été
réparée.
Le grand hôtel Marriott Armenia constitue la plus prestigieuse adresse
touristique du pays. Il est situé sur la place centrale d’Erevan, la
capitale.
Pays martyr, peuple très religieux, monastères formant la
principale attraction touristique : tout se tient. On nous avait
prévenus d’apporter de l’eau et des victuailles car la campagne
arménienne propose peu de nourriture qu’un tendre estomac d’Occidental
peut digérer. Mais que fait-on ici ? Nous entrons dans un monde
d’histoire antique, de monastères à la fois vivants et
millénaires.
À l’inverse du Canada, l’Arménie propose beaucoup d’histoire (7000
ans) et peu de géographie (340 kilomètres de l’est à l’ouest et
170 kilomètres du nord au sud). On peut donc visiter tout le pays en
quelques jours. Bien que situé en Turquie, juste au-delà de la
frontière, le célèbre mont Ararat domine l’histoire et le paysage
arméniens. Selon de nombreux historiens, ce mont aurait été le
refuge de Noé et de son arche il y a quelque 4000 ans.
La majesté du mont Ararat fascine, mais les splendeurs naturelles
abondent dans ce petit pays. Des vallées, des plaines, des canyons,
aux multiples couleurs de sable… autant d’images s’incrustant pour
toujours au fond de l’esprit.
Dans cette nature mythique, de grands monastères subliment les
paysages ; ils furent construits en hauteur pour rebuter les
envahisseurs. Grands btiments de pierre bruntre surmontés d’une
tour ronde au toit conique : le style des monastères y est
admirable. Le plus beau de ces joyaux architecturaux est le monastère
Haghpat, inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. En outre, les
monastères arméniens sont habités, mais l’ascétisme n’est qu’une
facette d’une vie religieuse qui façonne l’évolution sociale et
politique du pays depuis plus de 1700 ans.
L’Église apostolique arménienne s’apparente au catholicisme,
cependant que les hommes mariés peuvent y devenir prêtres. Un peu
comme dans le Canada français d’autrefois, l’Église joue ici le
rôle d’une forme de gouvernement parallèle.
Erevan prend l’allure d’une ville russe moderne. Elle qui ne comptait
que 14 000 habitants en 1900 en abrite aujourd’hui 1,2 million. Il
s’agit d’une cité du XXe siècle d’allure soviétique et non pas
d’une ville-musée orientale.
Le square de la République donne des frissons tant il en impose. Cette
place immense, typique de l’architecture urbaine soviétique, est le
coeur de la capitale. Au coeur de ce coeur, l’hôtel Marriott Armenia
Yerevan propose des chambres de luxe et une terrasse où le Tout-Erevan
aime à se faire voir. Anecdote : le btiment de l’hôtel, qui
abritait autrefois des bureaux du KGB, héberge aujourd’hui le consulat
du Canada…
Le génocide arménien de 1915 (deux millions de morts) prend tout son
sens lors d’une visite du monument qui lui est consacré à Erevan.
Cette visite glace le sang. Le génocide figure en bonne place au
palmarès de l’horreur massive. De la vague connaissance historique à
la prise de conscience, ce monument vous fait voyager dans le temps et
l’émotion.
La meilleure des bonnes surprises d’Erevan demeure l’animation des rues
le soir et celle des restaurants où on fait la fête dès que les
assiettes sont vidées. Un copieux repas de spécialités, bien
arrosé, coûte environ 15 $. Voir et faire des choses en Arménie
ne coûte jamais cher, même si les souvenirs qu’on en conserve
demeurent, eux, très chers.
Collaborateur du Devoir