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CES BIENS CHRETIENS QU’ANKARA NE VEUT PAS LâCHER

Le Figaro, France
21 septembre 2006

EXASPERE par l’absence de progrès dans le domaine des libertes
religieuses en Turquie depuis 2004, Bruxelles promet un sevère
avertissement dans son rapport annuel, qui sera rendu public par le
commissaire a l’Elargissement Olli Rehn, le 8 novembre. Le Parlement
turc a fini par recevoir le message. Les deputes sont reunis en
session extraordinaire depuis mardi pour voter un 9 e "paquet"
d’harmonisation avec les lois en vigueur dans l’Union europeenne. Cet
ensemble legislatif comprend un texte particulièrement attendu sur
les fondations religieuses non musulmanes.

Il prevoit la restitution des biens immobiliers confisques aux
institutions grecques orthodoxes, armeniennes et juives. Usant du
pretexte que les fondations des minorites religieuses n’avaient pas le
droit d’acquerir ou de recevoir en donation du patrimoine immobilier,
l’Etat turc s’est approprie des milliers de logements, ecoles, hôpitaux
ou eglises, depuis les annees 1930. Lorsque cette jurisprudence ne
suffisait pas, les tribunaux recouraient a des astuces. "Par exemple,
de nombreux biens avaient ete enregistres sous le nom de saints,
comme Saint-Augustin ou Saint-Gabriel, une pratique courante sous
l’Empire ottoman pour contourner des difficultes, explique Emre Oktem,
specialiste de droit a l’universite Galatasaray.

Le plus serieusement du monde, des tribunaux turcs ont donc constate
la disparition de ces proprietaires et leur absence d’heritiers pour
transferer les proprietes au Tresor." Spoliation systematique Reclame
par l’Union europeenne, le projet de loi examine par les parlementaires
etait en souffrance depuis un an et demi, car il se heurte a une forte
opposition des nationalistes. Pour Baskin Oran, professeur de sciences
politiques et auteur d’un rapport accablant sur le droit des minorites
en Turquie, cette spoliation systematique "n’est que le dernier maillon
de la chaîne du projet de transfert de capital des non musulmans
aux musulmans lance en 1915". La loi ne touche pas au pouvoir de la
Direction generale des fondations (VGM) qui peut toujours dissoudre
a sa guise l’une d’entre elles. "Les avancees legislatives seront
insuffisantes, estime d’ailleurs Diran Bakar, avocat des fondations
religieuses armeniennes. "La restitution ne concerne que les immeubles
detenus encore par le Tresor ou la direction des fondations. Rien
n’est prevu lorsqu’ils ont ete revendus a une tierce personne, ce
qui est frequent." Et cet habitue des rouages de l’administration
predit de nouvelles difficultes après la promulgation de la loi :
"La bureaucratie refusera le transfert au proprietaire d’origine et
il faudra aller en justice. La mentalite n’a pas evolue." Dernier
problème de taille, les catholiques et les protestants ne beneficient
pas de ces lois. Exclus du traite de Lausanne de 1923 garantissant la
protection des minorites non musulmanes, ces deux communautes n’ont
jamais constitue de fondations. Longtemps, ce statut a part les a
paradoxalement mises a l’abri. Mais depuis quelques annees, l’absence
de personnalite juridique les fragilise. La Direction generale
des fondations a, par exemple, mis la main sur une eglise situee
sur la rive asiatique du Bosphore. La justification : la location
d’une partie du terrain a un club sportif detournait le lieu de sa
fonction religieuse. Un arrangement amiable a finalement ete trouve a
la Cour europeenne des droits de l’homme de Strasbourg. L’Etat garde
la propriete de l’eglise, l’institution catholique ne dispose plus
que de l’usufruit.

Mais six ans après cette decision, ce droit d’usage n’est toujours
pas enterine.

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