EN ARMENIE, M. CHIRAC REND HOMMAGE A UNE HISTOIRE " TOURMENTEE "
par Natalie Nougayrède
Le Monde, France
1 octobre 2006 dimanche
A Erevan, le president francais evoque avec emotion la " memoire "
du genocide de 1915. Des personnalites francaises d’origine armenienne
l’accompagnent
A l’occasion de la première visite d’un president francais en Armenie,
Jacques Chirac devait, samedi 30 septembre, se rendre au monument
consacre au genocide armenien de 1915, a Erevan, la capitale. Il
devait ensuite prononcer un discours a l’occasion de l’inauguration
d’une " place de France ", dans le centre de la ville.
L’Elysee a voulu conferer a cette visite d’Etat de deux jours une
" forte valeur symbolique, axee sur la memoire ", indiquait-on dans
l’entourage de M. Chirac, avant le voyage.
M. Chirac, qui est accompagne d’une delegation de quatre ministres
et de plusieurs personnalites francaises du monde de la politique ou
de l’entreprise, d’origine armenienne, devait exprimer, samedi, son "
emotion devant l’histoire heroïque et tourmentee " du peuple armenien,
" dont le destin reste a jamais marque par le genocide dont il fut
victime, dans les convulsions de la première guerre mondiale et de
la fin des empires ".
Le president francais devait exalter les liens anciens rattachant
l’Armenie a la France, remontant au " temps lointain où Baudouin
de Boulogne, roi de Jerusalem, epousa Arda, princesse armenienne
". Il devait evoquer l’exil et l’installation en France de milliers
d’Armeniens après le genocide, et rendre par ailleurs hommage au
combat contre les nazis dans la France occupee des resistants du
groupe de Missak Manouchian.
La France est le seul pays occidental a avoir adopte, en 2001, une
loi reconnaissant le genocide armenien, objet de tensions recurrentes
avec la Turquie. M. Chirac a souligne, dans un entretien accorde a la
veille de son voyage au journal Nouvelles d’Armenie, que l’adhesion
de la Turquie a l’Union europeenne supposait que ce pays " penche du
côte de nos valeurs ".
" UNE DEMOCRATIE VIVANTE "
Lors de son discours sur la place de la France, le president francais
devait aussi appeler l’Armenie d’aujourd’hui, " jeune Republique
independante d’une antique nation ", a " bâtir une democratie toujours
plus vivante " et un " Etat de droit garant des libertes publiques ".
M. Chirac a dîne, vendredi, avec le president armenien, Robert
Kotcharian, qu’il connaît deja, pour avoir tente de peser dans les
difficiles negociations sur l’enclave du Haut-Karabakh, disputee par
l’Armenie et l’Azerbaïdjan. La France est, aux côtes de la Russie et
des Etats-Unis, copresidente du " groupe de Minsk " de l’Organisation
pour la securite et la cooperation en Europe (OSCE), qui tente depuis
plus de dix ans d’aboutir a un règlement negocie. M. Chirac devait
plaider a Erevan pour que vienne " le temps de la paix ", et appeler
l’Armenie et l’Azerbaïdjan a faire un " pas " pour debloquer l’impasse,
encore constatee en fevrier lors de pourparlers tenus dans le château
de Rambouillet.
La guerre du Haut-Karabakh (1988-1994), region d’où est originaire M.
Kotcharian, a fait environ 20 000 morts et près d’un million de
refugies. Elle s’est soldee par un cessez-le-feu fragile, en mai
1994, et l’occupation par l’Armenie d’importants pans du territoire
azerbaïdjanais, d’où la population a ete chassee, et dont des villes
et villages ont ete pilles. L’annexion de facto du Haut-Karabakh par
l’Armenie se percoit, a Erevan, par les devantures d’agences de voyages
proposant des excursions touristiques dans l’enclave montagneuse.
M. Chirac et son epouse devaient assister, samedi soir, a un concert
de Charles Aznavour, au centre d’Erevan, où le chanteur jouit d’une
immense popularite. Le president devait rencontrer dimanche le chef
de l’Eglise armenienne, le catholicos Karekine II, dans sa residence
d’Etchmiadzine. Environ 400 000 personnes en France sont d’origine
armenienne.
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