AZNAVOUR, UN GRAND MOMENT D’EMOTION A EREVAN
Par Anne-Marie Romero
Le Figaro, France
02 octobre 2006
" ILS SONT VENUS, ils sont tous la ", les Armeniens d’Armenie, toutes
generations confondues, mais aussi ceux de la diaspora, comme Michel
Legrand, lui aussi fils d’une emigree armenienne, ses amis de toujours,
Line Renaud, Jean-Claude Brialy – dans le rôle du presentateur -,
sans oublier les couples presidentiels des deux pays et une foule
d’invites de marque. Ils etaient, en effet, près de 50 000, samedi
soir, sur l’immense place de la Republique d’Erevan, pour acclamer
l’Armenien le plus adule de la toute jeune Republique caucasienne,
Varenagh Aznavourian, plus connu sous le nom de Charles Aznavour,
dans un concert exceptionnel et benevole, marquant l’inauguration de
l’Annee de l’Armenie en France.
Dans une première partie du spectacle, Nana Mouskouri, Dany Brillant,
Isabelle Boulay, Michel Legrand et sa soeur, Helène Segara, venue
avec sa mère et sa grand-mère armeniennes, ont chante chacun deux
chansons, benevolement aussi, et par amitie pour Charles. Puis,
sous un tonnerre d’applaudissements, celui que Jacques Chirac avait
qualifie, le matin meme, dans son discours, de " grand Francais,
grand Armenien et immense artiste ", est enfin monte sur la grande
scène dressee devant le Musee national et il n’a pas decu son public.
Loin de la.
Bien sûr, il y a eu quelques couacs, quelques notes difficiles a
tenir en debut de concert, mais le petit homme frele d’apparence,
en veste de satin noir, a montre qu’a 82 ans il etait encore une
bete de scène. Depuis Les Emigrants – un must en la circonstance –
jusqu’a Emmenez-Moi, qui a clôture la soiree, chauffe par la foule,
de chanson en chanson, il recuperait en effet son punch, ses fameux
tremolos, et les intonations puissantes et eraillees qui ont fait son
succès. Et c’est l’Aznavour d’il y a vingt ans que l’on a finalement
retrouve dans Je me voyais deja et dans La Bohème par une ovation
du public, qui chantait avec lui des paroles dont il ne comprenait
pas le sens, mais que chacun, ici, connaît par coeur. " Aujourd’hui,
c’est la fete de l’amour ", avait dit Jean-Claude Brialy en presentant
ce gala celebrant l’amitie indefectible entre la France et l’Armenie.
C’etait surtout la fete de l’emotion. Emotion due au choix des textes,
comme Les Emigrants, bien sûr, ou comme une chanson inedite, Un mort
vivant, qu’Aznavour a ecrite en memoire de Daniel Pearl, le journaliste
americain decapite au Pakistan, et en hommage a tous les journalistes
assassines pour avoir defendu le droit de dire la verite.
Mais ce qui a le plus touche ses compatriotes, c’est que le heros
vivant, dont une place d’Erevan porte le nom, a parle dans leur langue,
a plusieurs reprises et longuement. Et, en francais cette fois,
il a remarque : " Je n’ai jamais parle armenien sur scène.
C’est la première fois et ca me plaît bien. Je crois que je
recommencerai, meme en France ! "
L’integrale de ce concert (douze chansons), plus deux autres,
enregistrees la veille, au Memorial du genocide, Ave Maria et Ils sont
tombes – un hommage aux 1 500 000 victimes des massacres perpetres
par les Turcs durant la Première Guerre mondiale – sera diffusee sur
Arte, le 12 novembre, a 19 heures. Enfin, dernière contribution de
Charles Aznavour a l’Annee de l’Armenie : une soiree de gala, dont
le programme sera, paraît-il, complètement different, le 17 fevrier
2007, a l’Opera Garnier. Il est vrai qu’avec un millier de titres en
50 ans de carrière, il n’aura que l’embarras du choix.
n Lire egalement page 6
Temps forts de l’Annee de l’Armenie
n L’Annee de l’Armenie rend compte de l’histoire, du rayonnement et
du destin d’un peuple ancien dans toutes ses dimensions, de l’arche
de Noe echouee au sommet du mont Ararat jusqu’au genocide de 1915.
Cela a travers la richesse de son patrimoine (" Le Livre armenien
" a la BNF et a Strasbourg, l’art liturgique " Armenia sacra "
au Louvre, " Lumières d’Armenie " a Cluny ou " Or et tresors " a
Lyon). Dans l’ oeuvre de ses artistes contemporains, notamment Gorky,
père de l’expressionnisme abstrait americain auquel rend hommage
le Centre Pompidou, et du cineaste plasticien Sergueï Paradjanov
expose a L’ENSBA Paris et Saint-Etienne. En suivant les travaux
photographiques presentes a l’lnstitut du monde arabe, notamment de
la famille Boyadjian, de Varta et du grand Yousuf Karsh.
En assistant aux projections des films du Hollywoodien Rouben
Mamoulian, du Francais Henri Verneuil et de jeunes cineastes actuels
tant de la Republique d’Armenie que de la diaspora comme Artavazd
Pelechian, Atom Egoyan ou en France Robert Guediguian.
En ecoutant les sonorites de la musique traditionnelle, le tempo du
jazz armenien de Tigran Hamasyan ou du duo Mouradian-Tchmitchian,
les compositions du XX e siècle de Khatchatourian ou Komitas, ainsi
que les formations instrumentales comme l’Orchestre philharmonique
d’Erevan et l’Orchestre national de chambre d’Armenie, ou vocales
comme le choeur Hover, qui revèlent des jeunes talents, le violoniste
Sergueï Katchatrrian ou le pianiste Vahan Mardirossian.
Enfin, en decouvrant le theâtre et ses auteurs modernes comme Torikian,
Varroujean ou Tokatlian dont les textes sont traverses par le thème
de l’interrogation sur soi, et la danse avec les ensembles Yeraz
et Navasart.
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