M. CHIRAC LIE L’ADHESION TURQUE A L’UE A LA RECONNAISSANCE DU GENOCIDE ARMENIEN
Natalie Nougayrède
Le Monde, France
3 octobre 2006 mardi
" Faut-il que la Turquie reconnaisse le genocide armenien pour entrer
dans l’Union ? Honnetement, je le crois ", a declare a Erevan le
president francais
Jacques Chirac lie l’entree de la Turquie dans l’Union europeenne (UE)
a sa reconnaissance du genocide armenien de 1915, chose a laquelle
Ankara se refuse. Il l’a dit avec force, samedi 30 septembre, a Erevan,
alors qu’il effectuait la première visite d’un president francais
en Armenie.
" Faut-il que la Turquie reconnaisse le genocide armenien pour entrer
dans l’Union ? Honnetement, je le crois ", a declare M. Chirac lors
d’une conference de presse tenue aux côtes de son homologue armenien,
Robert Kotcharian. Dans la matinee, M. Chirac avait depose une gerbe
au monument du genocide qui domine la capitale armenienne, inscrivant
les mots " souviens-toi " dans le livre d’or.
Jacques Chirac a voulu souligner l’importance du travail de memoire,
dans le contexte europeen, en dressant un parallèle avec l’Allemagne.
" Tout pays se grandit en reconnaissant ses drames et ses erreurs,
a-t-il dit devant la presse. Peut-on dire que l’Allemagne,
qui a profondement reconnu la Shoah, a perdu son credit ? Elle
s’est grandie. On pourrait le dire pour la France, dans d’autres
circonstances, et pour beaucoup d’autres pays. "
EXPLICATION NECESSAIRE
Soulignant que l’Europe est " un ensemble qui revendique l’appartenance
a une meme societe, et la croyance en de memes valeurs ", M. Chirac
a estime que " la Turquie serait bien inspiree, au regard de son
histoire, de sa tradition profonde et de sa culture, qui est aussi
une culture humaniste, d’en tirer les consequences " si elle veut
etre integree.
Par ces propos dont la portee symbolique prenait, en ces lieux,
une ampleur particulière, M. Chirac, qui s’est toujours dit partisan
de l’entree de la Turquie dans l’Union, a marque une inflexion. La
reconnaissance du genocide ne figure pas parmi les critères (dits "
critères de Copenhague ", fixes en 1993) imposes par l’UE a la Turquie.
Après des annees d’hesitation, l’UE a ouvert, en octobre 2005,
des negociations d’adhesion de la Turquie. La perspective, meme
lointaine, de cet elargissement est toutefois source d’importantes
divisions, que ce soit au sein de la classe politique francaise ou
entre dirigeants europeens. La chancelière allemande, Angela Merkel,
prône un " partenariat privilegie " avec la Turquie. Le Royaume-Uni
est favorable a l’integration.
A la demande de la France, l’UE a introduit deux conditions, en
2004 et en 2005, pour l’adhesion turque : la prise en compte de la
" capacite d’absorption " de l’Union, et la reconnaissance de Chypre
par Ankara. En France, le " non ", au referendum de mai 2005 sur la
Constitution europeenne a ete analyse comme un rejet de la Turquie
par l’opinion.
M. Chirac, assurait-on dans son entourage, n’a pas change d’avis sur
le fond. Il reste convaincu de la vocation europeenne de la Turquie.
L’appreciation du president francais, precisait l’un de ses
conseillers, se situe sur un plan " politique, et non juridique ".
Cette source ajoutait qu’un " travail d’explication " serait sans
doute necessaire auprès d’Ankara.
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From: Baghdasarian