LES ENTREPRISES FRANCAISES RISQUENT D’ETRE EXCLUES DES GRANDS APPELS D’OFFRES EN TURQUIE
Sophie Shihab (avec Cecile Prudhomme a Paris)
Le Monde
14 octobre 2006 samedi
Les interets economiques de la France comme de la Turquie vont-ils
succomber aux passions contraires qui se dechaînent dans ces pays
depuis l’adoption, jeudi 12 octobre a Paris, de la loi punissant la
negation du genocide armenien ?
" La Turquie est un enjeu très important pour la France, avec un
encours de 10 milliards d’euros de contrats et un peu plus de 5
milliards d’exportations chaque annee ", a rappele Christine Lagarde,
ministre deleguee au commerce exterieur, en deplorant que l’on soit
" clairement en train de faire de cet enjeu economique une cause
electoraliste qui ne me paraît pas justifiee ".
Les milieux economiques francais s’inquiètent. La Turquie represente
le 6e marche de la France, son 5e fournisseur de biens – après
l’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Italie et les Etats-Unis.
Des 350 societes francaises implantees en Turquie, dont près d’un
tiers de grands groupes, c’est Areva qui risque de pâtir le plus des
tensions actuelles. Le ministre des affaires etrangères, Abdullah Gul,
a en effet cite les projets de construction de centrales nucleaires
en Turquie au nombre de ceux pour lesquels une offre francaise ne
serait pas acceptable.
EVITER LES PERTES
L’exclusion de Paris des appels d’offres a venir est la mesure
envisagee par les autorites turques, qui ont deja annonce qu’elles
" n’organiseront pas " un boycottage commercial. Toutefois, elles ne
s’opposeront pas, non plus, aux initiatives privees et locales en ce
sens, alors que la presse turque detaille deja celles envisagees par
les chambres de commerce regionales.
Lorsque le Parlement francais avait vote, en 2001, une loi
reconnaissant le genocide armenien, plusieurs contrats avaient deja
ete casses – avec Thomson et Alcatel notamment. Des produits francais
avaient ete boycottes.
Cette fois, le gouvernement turc cherche manifestement a eviter les
pertes pour son pays, en faisant savoir qu’il n’est pas question de
penaliser les entreprises francaises. Peugeot ou Renault assurent
du travail a des milliers de Turcs en Turquie et contribuent a ses
recettes d’exportation.
" Apparemment, les Turcs sont très remontes, mais on peut se demander
s’ils ont un interet reel a prendre des sanctions au moment où ils
sont engages dans des negociations difficiles pour l’entree dans
l’Union europeenne et qu’ils doivent defendre leur image auprès
des Europeens ", estime Dorothee Schmid, de l’Institut francais des
relations internationales (IFRI).
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