LES ARMENIENS N’ONT QUE TROP ATTENDU: PATRICK DEVEDJIAN
Le Monde, France
20 octobre 2006 vendredi
Reconnaissance du genocide : la Turquie doit suivre l’exemple allemand
Michel Wieviorka fait une interpretation très selective du debat
actuel sur la question du genocide armenien.
Dans la tribune qu’il a publiee dans ces colonnes " Les deputes contre
l’histoire " (Le Monde du 17 octobre), plusieurs points meritent
d’etre contestes :
1. Il declare que je me suis mis d’accord avec M. Hollande " pour
faire voter une loi rendant passible de prison quiconque nie le
genocide armenien ". Or j’ai depose un amendement faisant echapper
aux poursuites les travaux a caractère scolaire, universitaire et
scientifique. Malheureusement, pas un seul depute de gauche n’a vote
cet amendement, qui n’a ete rejete que de trois voix. Il n’y a donc
pas " accord " avec M. Hollande.
2. Bernard Lewis a ete condamne en 1995 par le tribunal de grande
instance de Paris (dans une affaire où, comme avocat, je representais
les demandeurs), non pas pour avoir simplement " recuse l’usage du
terme genocide ", mais pour avoir deforme la plus elementaire realite
en affirmant que le genocide armenien etait " la version armenienne
de l’histoire ". Le tribunal a observe que de très nombreux pays,
de très nombreuses organisations internationales, de très nombreux
historiens en avaient affirme la realite.
3. M. Wieviorka ecrit que les associations armeniennes ont pour but de
" demander de reconnaître les torts historiques d’une autre nation,
d’un autre Etat, et ici la comparaison avec la question juive perd
tout son sens ". Je pense que c’est le contraire : l’Allemagne a
reconnu la Shoah, Willy Brandt s’est mis a genoux a Auschwitz.
Aujourd’hui encore, la Turquie honore comme un heros l’organisateur
du genocide armenien, Talaat, dont les cendres lui ont ete remises
par Adolf Hitler.
Les Armeniens ont ete extermines pendant la première guerre mondiale,
alors que la France et la Turquie etaient en conflit. Ils ont notamment
ete accuses d’etre les agents de la France, qui s’etait engagee a
les proteger. Les associations armeniennes aimeraient que la Turquie
traite la question armenienne comme, après 1945, l’Allemagne a traite
la question juive.
4. Les manifestations negationnistes repetees que la France a connues
depuis quelques mois ne sont pas simplement " l’importation sur
notre sol du differend turco-armenien ". Elles sont organisees avec
le soutien des autorites turques et constituent un risque de trouble
grave en meme temps qu’un defi a la loi francaise.
5. M. Wieviorka recommande aux Armeniens de prendre patience en raison
du debat interne a la Turquie : je lui rappelle qu’ils sont patients
depuis plus de quatre-vingt-dix ans et que l’actuel gouvernement
turc a fait modifier le code penal pour poursuivre ceux qui affirment
l’existence du genocide armenien.
Patrick Devedjian Depute des Hauts-de-Seine (UMP)
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