Le Pari Turc De Jacques Chirac

LE PARI TURC DE JACQUES CHIRAC
Par Natalie NougayrÈde

Le Monde, France
15 novembre 2006 mercredi

Lorsqu’il parle de la Turquie, Jacques Chirac evoque rarement la
promesse, faite en 1963 par de Gaulle et Adenauer, d’integrer un
jour ce pays dans l’Europe. En onze ans de pouvoir, le president
francais ne s’est jamais rendu en Turquie en visite d’Etat. En 1998,
Jacques Chirac accueillait pourtant son homologue turc, Suleyman
Demirel, a Paris. C’etait la première visite du genre depuis 1967. La
diplomatie turque attendait, en retour, un deplacement de M. Chirac,
en se souvenant que le general de Gaulle, lui, avait fait le voyage
d’Ankara en 1968.

Cette visite qui n’a pas eu lieu, M. Chirac l’envisageait pourtant
pendant son premier mandat. A partir de 2002, la chose est devenue
difficile. Le rejet montant de la Turquie dans l’opinion francaise,
les doutes inspires par le grand voisin musulman de 70 millions
d’habitants, la lassitude face aux elargissements europeens, tout cela
a concouru a une omission. M. Chirac a bien fini, en septembre, par
aller contempler le mont Ararat, mais c’etait du côte armenien de la
frontière. Pourtant, a entendre ses conseillers, M. Chirac est reste,
toutes ces annees, fermement convaincu de la " vocation europeenne
" de la Turquie.

Sur ce point, il n’a pas evolue. Ce qui a change, ce sont les
circonstances, et notamment le tournant pris en 2002 par les Turcs,
lorsqu’ils ont elu un gouvernement, certes modere, mais islamiste.

Sur la question turque, M. Chirac s’est mis a composer, au risque de
brouiller le message.

On lui a connu, par le passe, de forts elans pro-turcs. En 1999,
au lendemain du Conseil europeen de Luxembourg qui avait accorde le
statut de " pays candidat " a la Turquie, M. Chirac avait prete son
avion a l’emissaire europeen, Javier Solana, pour qu’il apporte la
bonne nouvelle a Ankara. En 1997, le president francais regrettait
publiquement que la Turquie ne soit pas invitee a rejoindre l’Europe
au meme titre que les pays de l’Est. Et, en 1995, c’est grâce aux
efforts de son ministre des affaires etrangères, Alain Juppe, qu’une
union douanière etait conclue entre la Turquie et l’Europe.

Le tropisme turc de M. Chirac a ceci de particulier que, contrairement
a la politique qu’il a longtemps menee en direction d’autres pays du
Proche-Orient et du monde musulman, cette approche n’a jamais repose
sur un fort lien personnel avec tel ou tel dirigeant local. Certains
evoquent, certes, l’amitie nouee dans les annees 1980 par M. Chirac,
alors maire de Paris, avec l’ambassadeur turc de l’epoque. Mais
Ankara a connu depuis le debut des annees 1990 une succession de
gouvernements differents sans que M. Chirac devie de sa ligne.

Celle-ci repose sur plusieurs considerations. L’aspect strategique
et geopolitique : l’Europe aurait interet a s’elargir a la Turquie
pour contribuer a la stabilite de ces regions orientales, et sa
puissance n’en sera que renforcee (sur ce point M. Chirac est en
parfait accord avec la diplomatie britannique). La question de l’islam
et de la laïcite : l’Etat turc, avec son heritage kemaliste inspire
des valeurs de la Republique francaise, a valeur d’exemple dans un
monde musulman travaille par les extremismes. L’interet propre de
la France : en etant l’avocat de la cause turque, Paris conforte ses
liens specifiques avec le monde arabo-musulman. Enfin, il y a l’effet
pedagogique : en lui ouvrant la porte, l’Europe aide la Turquie a se
reformer, estime le president francais.

Depuis quelque temps, M. Chirac manifeste pourtant bien plus
d’ambiguïte que d’enthousiasme sur ce dossier. En octobre 2004,
après que son parti, l’UMP, se fut prononce contre l’integration de
la Turquie dans l’Union, il annoncait que la question, le moment venu,
serait soumise a un referendum. En 2005, au lendemain du rejet par les
Francais de la Constitution europeenne, son gouvernement pesait auprès
des " Vingt-Cinq " pour que la reconnaissance de Chypre devienne une
obligation pour Ankara.

En septembre, pendant sa visite a Erevan, c’est le deni turc du
genocide armenien qui a ete erige par M. Chirac en nouvel obstacle
a l’adhesion, sans que cette position soit endossee par l’Union
europeenne, qui s’en tient aux critère dits " de Copenhague ". M.

Chirac, qui evitait encore en 2004 d’employer le terme " genocide "
pour designer les evenements de 1915, n’a pas toujours tenu le meme
discours. Il etait peu favorable, en 2001, au vote d’une loi francaise
reconnaissant le genocide armenien.

INFLEXIONS SUCCESSIVES

Ces inflexions successives font que M. Chirac a aujourd’hui de grandes
peines a rassurer les responsables turcs. L’Elysee a ete decontenance
d’entendre le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, presenter
comme des " regrets " les paroles que lui avait tenues M. Chirac au
telephone, le 14 octobre, deux jours après le vote de la proposition
de loi sur la penalisation du deni du genocide armenien. M. Chirac
voulait, dit son entourage, simplement se demarquer d’une loi qu’il
juge inutile, tout en soulignant la necessite du travail de memoire.

Alors, que croire ? " Jacques Chirac a sans doute convaincu les Turcs,
ces derniers temps, qu’il etait un adversaire de l’integration de
leur pays ", constate Kirsty Hugues, de l’institut " Amis de l’Europe
" a Bruxelles. " Mais la realite, c’est qu’aux moments cruciaux il a
toujours pese dans le bon sens : pour l’integration. La question de
Chypre, qui pourrait faire derailler les negociations, sera, d’ici
au mois de decembre, un test important de l’attitude de M. Chirac. "

Les flottements de M. Chirac ont pu etre attribues a
l’instrumentalisation de la question turque dans le debat francais. "
Sur ce dossier, il fait oeuvre tactique ", observe Didier Billion,
directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et
strategiques (IRIS), a Paris, " mais il reste fondamentalement
favorable a une entree de la Turquie dans l’Europe ". Le refus de
la Turquie, en 2003, de laisser les troupes americaines utiliser son
territoire pour la guerre en Irak, et, plus recemment, l’envoi d’un
contingent turc au Liban, sont des gestes qui ont plu a l’Elysee.

Pour y voir plus clair, peut-etre faut-il se pencher sur les termes
exacts de M. Chirac : " Negociation ne veut pas dire adhesion ",
declarait-il en decembre 2004. Le processus prendra " probablement
dix ou quinze ans ", ajoutait-il, et " s’il s’averait que la Turquie
ne veut, ou ne peut pas, adherer a l’ensemble des reformes – qui
lui sont demandees, NDLR – , l’Union mettra alors en place un lien
suffisamment fort, qui ne soit pas l’adhesion ".

La grande inconnue residerait donc dans les intentions de la Turquie.

Il sera toujours temps, ensuite, d’ajuster l’offre des Europeens.

Pour M. Chirac, l’adhesion est destinee a une Turquie hypothetique,
reformee en profondeur, resolument democratique, laïque, alignee
sur les normes de l’Europe. Il ne sait s’il elle existera un jour,
mais il en fait le pari.

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From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress

Emil Lazarian

“I should like to see any power of the world destroy this race, this small tribe of unimportant people, whose wars have all been fought and lost, whose structures have crumbled, literature is unread, music is unheard, and prayers are no more answered. Go ahead, destroy Armenia . See if you can do it. Send them into the desert without bread or water. Burn their homes and churches. Then see if they will not laugh, sing and pray again. For when two of them meet anywhere in the world, see if they will not create a New Armenia.” - WS