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Genealogie Du Genocide Des Armeniens

GENEALOGIE DU GENOCIDE DES ARMENIENS
Pierre Barbancey

L’Humanite, France
19 decembre 2006

Raymond Kevorkian retrace les relations meconnues entre les elites
liberales Jeunes Turcs et armeniennes precedant la tragedie.

Le Genocide armenien, par Raymond Kevorkian. Editions Odile Jacob,
2006, 1007 pages, 39,90 euros.

C’est veritablement une somme que propose Raymond Kevorkian avec son
dernier ouvrage. Outre le fait qu’on ne parlera jamais assez de ce qui
fut le premier genocide du XXe siècle (mais le terme n’existait pas
alors, il a ete forge par le juriste Raphaël Lemkin pour designer
l’extermination des juifs sous le IIIe Reich), les differentes
approches historiques aujourd’hui publiees (1) permettent,

par strates ou par recouvrements, de reconstituer le puzzle de cette
tragedie. Entre 1915 et 1916, ce sont près d’un million et demi
d’Armeniens de l’Empire ottoman qui perdent la vie.

Historien, enseignant a l’Institut francais de geopolitique (universite
Paris-VIII), Raymond Kevorkian dirige egalement la bibliothèque
armenienne de Nubar et il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages
consacres a l’histoire moderne et contemporaine de l’Armenie et des
Armeniens. À ce titre, il a eu accès a des archives inedites. Son
travail se caracterise ici par un aspect meconnu, sinon occulte,
qui prend a contre-pied la plupart des etudes sur le sujet.

Celles-ci favorisent la thèse selon laquelle l’extermination des
Armeniens serait pour beaucoup due a des facteurs exterieurs :
declin de l’Empire ottoman et menaces de demembrement, montee des
nationalismes… Kevorkian, sans negliger ces facteurs, prefère
s’atteler a la politique interieure ottomane et plus particulièrement
aux relations entre les elites liberales Jeunes Turcs et armeniennes,
a l’epoque du sultan Abdoulhamid. Beaucoup de choses les separent, mais
la volonte d’en finir avec ce regime et celle de moderniser la societe
rassemblent les revolutionnaires des deux bords, en exil a Paris. Les
liens politiques qui se forment sont tels que les uns et les autres
sont prets a fonder un Etat, ensemble, dans les annees qui precèdent
la Première Guerre mondiale. Las, les defaites, le nationalisme et
la montee en puissance des unionistes, notamment au sein du Comite
union et progrès (CUP), vont sceller le destin des Armeniens. Comme
l’ecrit Kevorkian, " la destruction de groupes historiques par un Etat
est toujours l’aboutissement d’un processus complexe qui ne peut se
developper que dans un environnement politique et social particulier,
notamment dans un contexte multiethnique ". Mais l’auteur s’est
surtout interroge " sur les mecanismes institutionnels, politiques,
sociologiques, voire psychologiques qui ont abouti a la destruction
des Armeniens ottomans. J’ai cherche plus particulièrement a isoler
les phases successives de radicalisation des cercles Jeunes Turcs,
sans necessairement passer sous silence la "mission" que s’etaient
autodevolues les elites armeniennes, celle de sauver la nation… tout
comme les Jeunes Turcs ".

Ce livre – qui detaille egalement de facon meticuleuse les phases du
genocide – doit beaucoup a l’etude des archives du bureau d’information
cree par le Patriarcat armenien dès l’armistice de Moudros et qui
a collecte des informations sur la deportation et le massacre des
Armeniens en vue d’inculpation des responsables Jeunes Turcs. Mais
il manque toujours aux chercheurs les archives du comite central
Jeune Turc.

(1) Signalons aussi le Tigre en flammes. Le genocide armenien et la
reponse de l’Amerique et de l’Occident (Editions Phebus), de Peter
Balakian.

–Boundary_(ID_Iz9MygvE6iDPr5U08m BsJA)–

Tadevosian Garnik:
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