X
    Categories: News

Charles Aznavour : "Je n’ai pas tout sacrifie a mon metier"

Le Figaro, France
17 février 2007

Charles Aznavour : « Je n’ai pas tout sacrifié à mon métier»

par BERTRAND DICALE

CHARLES AZNAVOUR est fidèle en mots et fidèle en actes. Après avoir
ouvert l’année de l’Arménie il y a quelques mois par un concert à
Erevan (nos éditions du 2 octobre 2006) , il chante ce soir à l’Opéra
Garnier avec ses amis (Bénabar, Patrick Bruel, Florent Pagny, Grand
Corps Malade, Axelle Red, Michel Delpech, Calogero, Hélène Ségara,
Amel Bent…), au profit des enfants arméniens. Mais le chanteur
français attaché à sa chère Arménie est toujours une vedette
internationale : il revient de sa dixième tournée au Japon et lundi
sort son nouvel album, « Colore ma vie » (chez Odéon-EMI), enregistré
à Cuba avec le pianiste Chucho Valdès et ses musiciens. La sortie du
nouvel album est accompagnée du single La terre meurt , cri d’alarme
écologiste tout à fait dans les thèmes de la campagne électorale.

« On va dire que je profite de la situation alors que la chanson est
écrite depuis deux ans. J’écris longtemps avant d’enregistrer. Là, je
suis en train d’écrire ce que je vais chanter dans deux ans. Ainsi,
je suis chagriné par les villages abandonnés. Ça fera partie du
prochain disque. » Quant à intervenir dans le débat politique en
cours, il n’en est pas question. « Je n’ai pas à influencer mes
compatriotes. Montand l’a fait. Moi pas. Et il s’est trompé. Quand il
est rentré de Russie, il a dit que c’était formidable. Moi j’ai
seulement dit – et seulement quand on me questionnait – que les
thétres étaient très bien. Et, pourtant, j’étais plutôt pour les
communistes. » Il n’a guère envie de commenter directement l’«
affaire Johnny » mais avoue volontiers avoir payé 1,2 ou 1,3 million
d’euros d’impôts l’année dernière – « Ce n’est pas rien » . Il réside
en Suisse depuis une certaine « affaire Aznavour » qui, il y a plus
de trente ans, l’avait vu fuir le fisc français. « Je suis parti de
France ruiné. J’ai mis dix ans à me remettre à flots. Et qu’est-ce
que j’ai fait de mon argent ? J’ai la moitié d’un hôtel en France,
j’ai acheté les éditions musicales Raoul Breton qui rachètent des
catalogues pour qu’ils ne partent pas à l’étranger et où j’ai créé
une vingtaine d’emplois fixes. Je voudrais bien dire une bonne fois
pour toutes que je n’ai pas de complexes d’être en Suisse. Je n’ai
pas de complexes parce que j’ai investi en France. » Il est fier de
n’avoir pas d’argent amassé à l’étranger. « Quand je mourrai, il va
rester ce que j’ai fait, et pas ce que j’ai gagné. » « Être vrai à
tout moment » À ce propos-là, son nouveau disque contient une belle
chanson à la première personne, J’abdiquerai , dans laquelle il
assume crnement ce que bien des artistes essaient à toute force
d’enterrer sous des tombereaux de fausse humilité : « Et s’il me
reste encore un beau spectacle à faire/Un bel enterrement flatterait
mon ego » . Son ego ? « J’assume tout » , dit-il avec, toujours
intacte, la soif de reconnaissance de Je m’voyais déjà. Comme l’homme
de scène, l’auteur pense au temps qui passe. « Je ne peux plus
chanter que je suis amoureux d’une jeune fille. Je peux chanter mes
anciennes chansons d’amour parce qu’on les connaît, quoique je ne me
vois plus chantant Donne tes seize ans – ce serait un peu graveleux.
Alors j’ai pris une autre direction. C’est cela ma pudeur : être vrai
à tout moment. Mes chansons ne sont pas autobiographiques, mais il
faut que l’on pense toujours qu’il y a de moi-même dans ce que
j’écris. » Lui-même, c’est aussi l’Arménie, donc. Et sur son nouveau
disque la chanson Tendre Arménie : « J’écris souvent des préfaces et
cette chanson est la préface d’un livre de photographies que ma soeur
a mise en musique. Elle a beaucoup de talent mais c’est la première
fois que nous travaillons ensemble. » Aïda Garvarentz signe donc ce «
thème symphonique et très arménien en même temps » , orné de duduk,
le hautbois traditionnel arménien. « Nous avions déjà fait une
chanson ensemble. J’avais sept ans, elle devait en avoir huit. Puis
on a eu un petit numéro de danse à deux, puis rien depuis. » Aïda
Aznavour avait aussi chanté avant de devenir l’épouse de Georges
Garvarentz, fils du poète auteur de l’hymne national d’Arménie et
plus grand complice de composition de Charles Aznavour. « Dans notre
famille, nous sommes proches mais avons chacun notre vie » , explique
le chanteur. Il porte sur sa vie un regard serein : « Une vie bien
comblée, amusante. Je n’ai pas tout sacrifié à mon métier. Ça fait
quarante-trois ans que je suis avec mon épouse, j’ai des enfants et
des petits-enfants. Maintenant, les petits-enfants se marient. » Il
revient à sa soeur : « Elle m’a toujours dit : « Ne finis jamais ta
maison. Après, tu n’as plus qu’à mourir. » Opéra de Paris, ce soir,
tél. : 08 92 89 90 90. Réservations ouvertes pour le Palais des
congrès, du 9 octobre au 10 novembre, tél. : 01 40 68 00 05.

Antonian Lara:
Related Post