CHARLES AZNAVOUR, A L’OPERA DE PARIS, CHANTE POUR L’ARMENIE
par: Veronique Mortaigne
Le Monde, France
20 fevrier 2007 mardi
Charles Aznavour n’en est pas a son premier gala. Le 17 fevrier,
l’ambassadeur itinerant de la Republique d’Armenie et porte-parole
international de la chanson et du chic a la francaise donnait une
soiree au profit de l’operation Jeunes ambassadeurs pour l’Armenie –
accueil en France de plusieurs centaines d’enfants d’Armenie apprenant
le francais. Il faisait ainsi ses debuts a l’Opera Garnier.
Aznavour, 83 ans en mai (et un nouvel album, Colore ma vie, qui sort
ce 19 fevrier chez Odeon/EMI), englobe-t-il dans sa tournee d’adieux
(commencee au Radio City Hall de New York) ce concert humanitaire
ponctuant l’Annee de l’Armenie en France, qu’il avait lancee le 30
septembre 2006 par un grand concert a Erevan, capitale de l’Armenie ?
Ici, c’est plutôt un passage de relais. " Aznavour et ses amis " est le
sous-titre de cette soiree chic. Au balcon, Bernadette Chirac et Robert
Kotcharian, president de la Republique d’Armenie. Puis Jean-Claude
Brialy, Line Renaud, Robert Hossein, etc. La jeunesse est en scène,
petits rats de l’Opera et ex-Star’Ac compris. Il y a des cameras
de television, et le gala est un catalogue de ce qui se fait sur le
petit ecran : Florent Pagny, Helène Segara, Patrick Bruel, Nâdiya,
Elisa Tovati, Nolwen Leroy, Axel Red, Amel Bent…, tous mobilises
pour chanter des classiques d’Aznavour, avec ou sans lui.
Liane Foly presente. Bref, juste la soiree du samedi soir a eviter.
Mais Aznavour, Aznavourian a la ville, est fin politique. A part
lui, Helène Segara (mère et grand-mère armeniennes) et la Chorale
des enfants armeniens venus du pays, il n’en rajoute pas dans la
compassion nationaliste. Il prefère presenter un bel echantillon
d’enfants d’emigres ou de deplaces : sepharades (Dany Brillant,
Patrick Bruel, Gerard Darmon), deuxième generation maghrebine (Amel
Bent, Elisa Tovati, russe par sa mère, marocaine par son père,
Chimène Badi, Nâdiya), italiens d’ascendance (Calogero, Benabar),
fleurs de banlieue (Grand Corps Malade), etc. Conclusion d’Aznavour,
dont les parents sont arrives a Paris en 1924, annee de sa naissance :
" La chanson francaise est forte. "
Elle est forte parce que des gens comme Aznavour ont compose des
centaines de chansons imparables. Ainsi, Aznavour sait deleguer avec
elegance, changer de tonalite (avec risques de deraillement), pour ne
pas empecher ses partenaires, qui ne savent pas en changer. Il sait
reconnaître a d’autres (Florent Pagny, pour Paris au mois d’août)
les benefices de la voix, se laisser disputer un rôle de crooner
(Michel Delpech, pour Les Plaisirs demodes). Mais qui est le maître
? Qui sait traduire un sentiment en deux mots et un geste de main
? Qui sait emporter une salle qui n’a fait que l’attendre depuis
l’ouverture de rideau en lui chantant, les yeux dans les yeux, Les
Deux Guitares ("Apportez-moi du vin fort, car le vin delivre, Versez,
versez m’en encore ") ? C’est Charles.
–Boundary_(ID_unW9N2zRmhvt8XIZ5SmJqA)–