Agence France Presse
9 mars 2007 vendredi 3:58 PM GMT
Suisse: première condamnation de la négation du génocide arménien
(ACTUALISATION, PAPIER GENERAL)
LAUSANNE (Suisse) 9 mars 2007
La négation du "génocide arménien" a été pour la première fois
sanctionnée par la justice suisse qui a condamné vendredi le leader
d’un petit parti de gauche turc pour avoir violé la législation
antiraciste helvétique interdisant de nier ou minimiser un génocide.
Le président du Parti des travailleurs turcs, Dogu Perinçek, 65 ans,
a été déclaré coupable de discrimination raciale par le tribunal de
police de Lausanne.
Cette condamnation est "une première mondiale au niveau pénal", a
déclaré à l’agence de presse suisse ATS Marcel Niggli, professeur de
droit pénal de l’Université de Fribourg. Bernard Lewis, un historien
américain, avait été condamné à Paris en 1995 à une amende d’un franc
symbolique, mais par une chambre civile.
M. Perinçek est un "provocateur arrogant", a asséné le juge
Pierre-Henri Winzap qui a qualifié ses motivations de "racistes et
nationalistes" ne méritant "aucune circonstance atténuante".
Le militant turc savait pertinemment qu’il violait la loi suisse
lorsqu’il a nié le génocide arménien dans deux discours en mai 2005,
a estimé le juge pour qui le génocide arménien est "un fait
historique avéré selon l’opinion publique suisse". Le fait que cette
tragédie ne figure pas dans la liste des génocides officiellement
reconnus par une Cour internationale n’empêche pas d’affirmer que
c’est une réalité indubitable, a affirmé le juge.
M. Perinçek a été condamné à une amende de 3.000 francs suisses
(environ 1.860 euros) et, avec sursis, à 90 jours amende d’un montant
de 100 francs suisses par jour (quelque 62 euros – les jours amende
sont proportionnels aux revenus du condamné, qui peut être incarcéré
en cas de refus de paiement).
Il devra également verser à titre "symbolique" 1.000 francs suisses
(620 euros) à l’Association Suisse-Arménie qui s’était constituée
partie civile.
Enfin, il devra s’acquitter de 15.800 francs suisses (9.830 euros) de
frais et dépens.
La condamnation est exactement conforme aux réquisitions du procureur
général.
"Cette décision reflète concrètement la haine éprouvée par le juge
suisse contre la Turquie et la nation turque", a déclaré M. Perinçek
à la sortie du tribunal, selon des propos rapportés par l’agence
turque Anatolie. "Rien n’est terminé. Nous allons faire appel de
cette décision. J’ai toujours confiance en la justice suisse. Nous
irons jusqu’au bout, jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme
s’il le faut", a-t-il assuré.
Pour M. Perinçek le "génocide arménien" est un "mensonge
international" inventé par les services secrets des grandes
puissances durant la Première Guerre mondiale, utilisé aujourd’hui
comme instrument de propagande des Etats-Unis contre la Turquie.
Défiant les pressions d’Ankara, le Conseil national, chambre basse du
parlement suisse, a reconnu le génocide arménien fin 2003.
L’Association Suisse-Arménie s’est félicitée de la condamnation de M.
Perinçek en estimant que ce "verdict met un point final à une série
de manifestations niant le génocide arménien" en Suisse.
Les Arméniens estiment que jusqu’à un million et demi des leurs ont
péri dans un génocide orchestré par l’Empire ottoman.
Ankara soutient de son côté que 300.000 Arméniens et au moins autant
de Turcs ont été tués au cours de troubles suscités par des
soulèvements d’Arméniens et leur ralliement aux armées russes en
guerre contre l’empire ottoman, et lors des déportations qui ont
suivi.