Exposition: L’Orient Vue Par Les Armeniens, Fascinant Voyage Dans Le

EXPOSITION: L’ORIENT VUE PAR LES ARMENIENS, FASCINANT VOYAGE DANS LE TEMPS

Le Monde, France
11 mars 2007 dimanche

ENCART:

L’Institut du monde arabe montre 150 tirages de la fin du XIXe siècle
aux annees 1950, qui temoignent d’une grande vitalite

A l’heure où l’Annee de l’Armenie bat son plein, l’Institut du
monde arabe (IMA), a Paris, presente une formidable exposition de
photographies rassemblant plus de 150 tirages d’epoque realises au
Moyen-Orient par des Armeniens entre la fin du XIXe siècle et les
annees 1950.

Les images, issues de collections privees, classees par auteurs,
plongent le spectateur au coeur de la region. Elles l’entraînent
aux confins de l’Empire ottoman. Le perdent dans les couloirs sans
fin du palais de Topkapi. Le cueillent dans un village du Liban. Lui
presentent les differentes communautes du Moyen-Orient. L’introduisent
aux petits metiers d’Istanbul ou du Caire. L’epuisent en inaugurations
de bâtiments destines a moderniser l’Empire. Et lui offrent au final
un fascinant voyage dans le temps.

Nee en France en 1839, la photographie s’est vite introduite au sein
de l’Empire ottoman. Mais le medium photo s’attire vite les foudres de
religieux – l’islam interdit la reproduction d’images. Il revient donc
aux minorites, dont les Armeniens, d’exercer le metier de photographe.

Parlant plusieurs langues, ces derniers deviennent les interlocuteurs
des photographes-voyageurs venus d’Europe pour immortaliser les
sites de la region. Certains choisissent meme de s’y etablir et de
former leurs assistants a la photo, comme les frères Abdullah, a
Istanbul. Embauches par le chimiste et photographe allemand Rabach,
ils rachètent son atelier en 1858 pour en faire le premier studio
d’Anatolie. Le plus couru aussi, devenant les photographes officiels
du sultan. A ce titre, ils sont autorises a photographier l’interieur
de Topkapi. Et a franchir l’imposante porte en bois du harem, gardee
par un eunuque en faction. Certes, il n’y a aucune photo des femmes
du souverain. Mais les interieurs (1865-1875) en marqueteries, stuc
et bois peint temoignent du faste de la cour.

TOUS LES GENRES

A l’instar de leurs confrères, les frères Abdullah sont au fait des
tendances techniques et esthetiques europeennes. Certains, comme le
patriarche armenien Yessayi Garabadian (1825-1885), se rendent meme en
Occident. Venu a la photographie par souci de conserver une trace des
manuscrits religieux du monastère armenien Saint-James de Jerusalem,
conscient de l’attrait des sites pour les voyageurs occidentaux, le
patriarche cree meme la première ecole de photographie du Moyen-Orient,
en 1859.

Les photographes armeniens ont touche a tous les genres. Au portrait,
bien sûr. A l’architecture, comme le soulignent les vues de la
basilique du Saint-Sepulcre de Jerusalem (1861) signees Garabadian. A
la photographie de guerre aussi. " Photographe officiel de l’armee
britannique d’occupation ", Lekegian (actif entre 1860 et 1890)
immortalise les ruines d’Alexandrie après les bombardements anglais.

Tetanise a l’idee de quitter son palais, le sultan Abd al-Hamîd
II charge les frères Abdullah de dresser un panorama de l’Empire a
travers une serie de photos regroupees en 51 albums dont l’un est
expose. Garabed Krikorian (1847-1920) est quant a lui charge de
couvrir le voyage en Orient du Kaiser Guillaume II en 1898.

Face aux persecutions dont ils font l’objet, et jusqu’au genocide
de 1915, les photographes armeniens quittent l’Empire ottoman pour
s’installer dans les Etats arabes de la region. Ils se specialisent
alors dans le portrait de studio. Les images au noir et blanc fievreux
des celebrites egyptiennes prises par Van Leo ou son frère Angelo,
dans les annees 1950 au Caire, rivalisent alors avec celles des
stars hollywoodiennes.

Helène Simon

" L’Orient des photographes armeniens ", Institut du monde
arabe, 1, rue des Fosses-Saint-Bernard, place Mohammed-V,
Paris-5e. M°Jussieu. Tel. : 01-40-51-38-38. Du mardi au dimanche,
de 13 heures a 18 heures. Jusqu’au 1er avril. Catalogue : coedition
Cercle d’art/IMA, 96 p., 23 ¤.

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