X
    Categories: News

Genocide Armenien: Un Jugement Sur La Memoire

GENOCIDE ARMENIEN: UN JUGEMENT SUR LA MEMOIRE

Le Temps, Suisse
10 mars 2007

On s’est beaucoup demande, au cours du procès qui a debouche sur la
condamnation de l’homme politique turc Dogu Perincek pour negationnisme
du genocide armenien, si les juges pouvaient ecrire l’histoire. La
reponse est a l’evidence oui.

Les juges ont ecrit l’histoire a Nuremberg, ils l’ecrivent aujourd’hui
a Arusha et a LaHaye. Non pas tant parce qu’ils qualifient en
droit les crimes commis au nom de la raison politique. Mais parce
qu’ils etablissent les faits avec l’opportunite d’un accès immediat
aux acteurs et aux temoins et avec la rigueur de la procedure
contradictoire.

Le juge lausannois n’etait pas en mesure de soumettre les deportations
et les massacres dont ont ete victimes les Armeniens en 1915 a un
examen comparable et il ne l’a pas fait. Il s’est borne a constater
qu’une majorite d’historiens et plusieurs parlements qualifiaient ces
faits de genocide. Il en a conclu que contester cette qualification
constituait une infraction a l’article 261 bis du Code penal, du
moins lorsque la contestation avait des accents nationalistes.

Les autorites superieures, que le condamne entend saisir, diront si
cette conclusion est satisfaisante au nom du droit suisse. On peut
deja dire qu’elle apporte peu au regard de l’histoire.

La norme antinegationniste n’a pas pour but d’ecrire l’histoire mais
de defendre des valeurs. Le jugement de Lausanne ne dit donc pas
l’histoire. Il etend aux Armeniens la protection de la memoire deja
reconnue aux victimes de la Shoah.

L’opportunite d’ancrer cette protection dans la loi penale est
contestee au-dela des cercles revisionnistes. Des historiens et non des
moindres se sont inquietes, en France, du danger de voir le recit admis
du passe remplacer la reflexion sur les faits et leur interpretation.

Suivant qu’on partage la foi des defenseurs de la memoire ou les
doutes des historiens, on se rejouira du jugement de Lausanne ou on le
deplorera. Mais les debats auront rappele a tous que l’utilisation
de l’histoire pour dire des valeurs n’est pas l’apanage des
premiers. C’est au contraire une activite favorite des nationalistes
-l’entetement aveugle du condamne en est une preuve eclatante.

Ce ne sont pas les memes valeurs? Certes. Mais c’est le meme danger:
faire de l’histoire, non un questionnement mais une affirmation,
non une reflexion mais une statue.

–Boundary_(ID_0F4XblIQaIiSefU2sCfWDw)–

Madatian Greg:
Related Post