FIN TRAGIQUE POUR UNE FILLE D’ARMENIE
Le Temps, Suisse
13 mars 2007
HOMICIDE. Etudiante a Genève, elle se prostituait en secret jusqu’a
ce qu’un client la tue.
Elle se faisait appeler Olga. Partie de son Armenie natale pour faire
des etudes universitaires en Suisse, la jeune femme avait une vie
cachee dans la prostitution dont elle n’avait rien dit a ses amies.
Elle voulait reunir un maximum d’argent avant de rentrer au pays. Un
projet qui ne se concretisera jamais.
Son corps, plonge dans une baignoire remplie d’eau et en etat de
decomposition avance, a ete retrouve chez elle un soir de juillet
2005, mains et pieds attaches dans le dos, un sac en plastique sur la
tete. La scène est si horrible que la presidente de la Cour d’assises
de Genève, qui juge depuis lundi l’auteur presume de l’homicide,
a prefere ne pas soumettre les photos aux jures.
Pour le père d’Olga, medecin a Erevan, les enfants, il lui en reste
deux, sont source de fierte. Il parle de leurs etudes en droit ou en
sciences economiques et de son education sevère. Jamais il n’aurait
compris que sa fille aînee travaille dans un salon de massage. Sa
mort et les circonstances qui l’ont entouree ont constitue un "choc
inimaginable". "Je ne souhaite a personne d’entendre une nouvelle
pareille", a-t-il explique au procès. Au pays, la famille a prefere ne
pas ebruiter l’affaire. Olga, morte a 27 ans, est enterree au cimetière
de Carouge. "J’ai pris un peu de terre pour la faire benir chez nous",
ajoute le père.
Mise en scène
L’accuse, un mecanicien sur autos de 31 ans – appelons-le Felipe –
arrete après avoir imprudemment utilise le portable vole cette nuit-la
a sa victime, a presente ses regrets lors de l’audience. "Je n’ai
jamais voulu que cela arrive, c’etait un accident".
Telle est la thèse qu’il soutient depuis son arrestation. Le prevenu
a explique qu’il avait rendez-vous ce soir-la au domicile d’Olga pour
y passer une nuit tarifee. Lors de leurs ebats, celle-ci lui aurait
demande de l’etrangler. Il dit avoir presse ses mains autour du cou
de la jeune femme en fermant les yeux. Lorsqu’il les a rouverts,
elle etait morte. Selon ses collègues du salon de massage, Olga ne
faisait pourtant pas dans les specialites et n’avait aucune attirance
pour l’asphyxiophilie.
Après ce que son defenseur, Me Christian Luscher, soutient etre
un homicide par negligence, Felipe a mis le corps ligote dans la
baignoire, ferme la salle de bains a cle, ouvert la fenetre du
studio, efface toutes ses empreintes, pris les telephones et les
cartes bancaires de sa victime avec lesquelles il a effectue des
retraits. Pour effacer les traces, retarder la decouverte du cadavre,
faire croire a un crime crapuleux. Bref, brouiller les pistes.
Quelques heures après les faits, c’est un homme jovial, selon tous
ceux qui ont croise sa route, qui est alle prendre un aperitif avec
son père avant de poursuivre sur sa lancee a la Lake Parade et finir
au casino où il a la reputation d’etre un joueur compulsif.
Il faudra neuf jours pour qu’une amie d’Olga s’inquiète de sa
disparition au point d’alerter la police. L’eau et la chaleur ont
deploye leurs effets. L’alteration cadaverique est telle – le corps
a gonfle et change de couleur – que le medecin legiste ne peut que se
hasarder a des hypothèses. Entre la mort par submersion et celle par
asphyxie, le docteur Romano La Harpe opte plutôt pour la seconde. Il
n’y a pas trace de strangulation mais de petites taches qui font
penser a un etouffement dont l’origine reste floue. Congele, decongele,
le corps est a nouveau autopsie a Lausanne sans plus de certitude.
Retard mental
Accuse d’assassinat par le procureur Claudio Mascotto, Felipe a
presente un comportement anormal dès son enfance. Mal integre dans
la societe, il a toujours vecu chez ses parents et n’a jamais eu de
compagne. A l’expert psychiatre, le docteur Gerard Niveau, il a dit
qu’il etait fou amoureux d’Olga. Elle ne voyait au contraire en lui
qu’un client parfois trop insistant. Ce soir-la, elle avait fait une
entorse a la règle en le laissant venir a son domicile. Les 2500
francs promis allaient l’aider, se rejouissait-elle, a acheter un
cabriolet. La route a pris fin beaucoup plus tôt que prevu pour la
fille venue de l’Est. Quant a l’avenir de Felipe, il sera tranche
aujourd’hui.
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