Le Monde, France
18 mars 2007 dimanche
Le projet de Washington d’installer un radar dans le Caucase inquiète
l’Arménie
par Christophe Chtelot
LA PROPOSITION américaine d’installer dans le Caucase un radar de son
bouclier antimissile n’est pas sans inquiéter l’Arménie. Le projet de
l’agence américaine de défense antimissile ne précise pas vers quel
pays caucasien se porterait son choix. Ni quand. Mais ce ne sera
sûrement pas dans ce petit pays enclavé, voisin de l’Iran et de la
Géorgie et également frontalier de l’Azerbaïdjan et de la Turquie,
avec lesquels Erevan n’entretient plus de relations diplomatiques.
Autant dire qu’" il n’est pas dans notre intérêt de créer de
nouvelles lignes de divisions dans une région instable ", explique au
Monde Serge Sarkissian, ministre de la défense de l’Arménie, lors
d’une visite à Paris, mardi 13 et mercredi 14 mars. " Nous n’avons
d’ailleurs pas reçu de proposition américaine ", ajoute le ministre.
Si cette ancienne république soviétique entend pourtant préserver ses
relations avec Washington, on y est surtout très sensible à ne pas
froisser l’allié – et fournisseur énergétique – russe. Et Moscou a
très tôt fait savoir sa ferme opposition au projet américain
d’agrandissement de son bouclier avec l’installation d’éléments de
défense en République tchèque et en Pologne.
Sceptique sur l’avenir de la proposition américaine pour le Caucase,
le ministre arménien explique toutefois que " le niveau de
compréhension et de consultation " entre les deux puissances sera
déterminant. Et, dans ce jeu, l’Arménie sait qu’elle ne pèse pas
lourd, même si M. Sarkissian défend une " politique d’équilibre "
faite de " collaboration avec l’OTAN tout en approfondissant – les –
relations avec la Russie ".
EQUILIBRISME DIPLOMATIQUE
Un autre élément complique le numéro d’équilibrisme diplomatique
arménien : les relations privilégiées qu’Erevan entretient depuis
longtemps avec Téhéran. Or le bouclier antimissile servirait à
protéger les Etats-Unis contre une attaque de missiles balistiques de
longue portée tirés par ce que Washington définit comme des "
Etats-voyous ", parmi lesquels figure en bonne place l’Iran,
partenaire économique essentiel pour une Arménie dénuée de ressources
énergétiques.
Poussée à son paroxysme, la politique américaine d’endiguement de
l’Iran pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l’Arménie.
Mais on en est encore loin. La construction du gazoduc
irano-arménien, dont la première section devrait être inaugurée
prochainement, n’est d’ailleurs pas remise en question. En revanche,
la finalisation des travaux de ce projet, censé abaisser le degré de
dépendance énergétique de l’Arménie vis-à-vis de la Russie, se fera "
probablement avec des capitaux russes ", reconnaît M. Sarkissian,
également coprésident de la commission gouvernementale arméno-russe.