GENOCIDE : L’ARMENIE N’EST PAS LE RWANDA
De Notre Correspondant A New York Jean-Louis Turlin
Le Figaro, France
25 avril 2007
" À LA SUITE de la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle un
million d’Armeniens ont ete massacres en Turquie, l’avocat polonais
Raphaël Lemkin a enjoint la Societe des nations de reconnaître les
crimes de barbarie comme des crimes internationaux . " Voila la
phrase apparemment anodine par laquelle le scandale est arrive :
simple introduction a une exposition sur le genocide rwandais qui
devait ouvrir aux Nations unies le 9 avril dernier, elle a souleve
une protestation turque et entraîne le report de la manifestation. La
volte-face a valu a la nouvelle equipe dirigeante du secretariat
general de l’ONU une accusation de " lâchete " dans un editorial
cinglant du New York Times. Kiyo Akasaka, qui vient de prendre
ses fonctions comme secretaire general adjoint a la communication,
reconnaît que le processus de verification des textes de l’exposition
n’avait pas ete respecte a la lettre.
Avec pour consequence une " inexactitude " dans le panneau
introductif. En l’occurrence, la difficulte ne porte pas tant sur la
definition des meurtres en masse des Armeniens en 1915 qui, selon le
mot invente par Lemkin, constituaient le premier " genocide " du XX
e siècle, que sur la non-reconnaissance comme tels par les Nations
unies. " Lemkin s’adressait a la Societe des nations. L’ONU ne s’est
pas prononcee sur des evenements qui ont eu lieu avant sa creation
", rappelle Kiyo Akasaka, en precisant que le secretariat " ne peut
cautionner une position dans un sens ou un autre " qui ne refleterait
pas une decision enterinee par l’Organisation. " Etudier les faits
" La campagne de Raphaël Lemkin a pourtant abouti a la convention
des Nations unies sur le genocide en 1948. Et en 1986, la Commission
onusienne des droits de l’homme avait adopte un rapport affirmant
que le massacre des Armeniens constituait un genocide.
Mais, nuance Kiyo Akasaka, " sur la question de savoir si c’etait un
genocide selon les termes de la convention, il y a une controverse
et les Nations unies n’ont pas manifeste leur avis ". Ce n’est
evidemment pas le cas de la Turquie qui nie que le " deplacement
" des populations armeniennes ait ete le produit d’une politique
d’elimination deliberee de la part des autorites ottomanes.
L’ambassade turque a Washington a d’ailleurs achete une pleine page
du New York Times lundi pour rappeler l’invitation faite par Ankara
a l’Armenie " d’etudier les faits historiques ensemble " dans le
cadre d’une " commission bilaterale " d’experts. L’exposition sur le
genocide rwandais, organisee avec le concours de l’organisation non
gouvernementale britannique Aegis Trust et mandatee par l’Assemblee
generale de l’ONU, aura bien lieu, loin du " preceden t " que
constituerait toute interpretation de la tragedie armenienne. "
Nous devons verifier tous les textes dans un souci d’exactitude,
d’impartialite et de transparence ", affirme Kiyo Akasaka, selon
qui l’ouverture de l’exposition pourrait coïncider avec la Journee
mondiale de la liberte de la presse le 3 mai. Hier, l’Armenie a, elle,
celebre le 92 e anniversaire des massacres commis par l’Empire ottoman.
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