Les Taviani Reveillent La Memoire Armenienne

LES TAVIANI REVEILLENT LA MEMOIRE ARMENIENNE
Par Brigitte Baudin

Le Figaro, France
30 mai 2007

CINEMA Le Mas des AlouettesDrame de Paolo et Vittorio Taviani. Avec
Arsinee Khanjian, Tcheky Karyo, Andre Dussollier, Angela Molina, Paz
Vega. Duree : 1 h 58. Palme d’or a Cannes en 1977 pour " Padre Padrone
", les realisateurs de " Good Morning Babylon " s’interrogent sur
le genocide armenien. APRÈS AVOIR transpose Goethe dans leur Toscane
natale (Les Affinites electives), realise une variation pirandellienne
sur la violence (Kaos II), Paolo et Vittorio Taviani, les duettistes
du cinema italien, adaptent cette fois librement Il etait une fois
en Armenie (Editions Robert Laffont) , le roman autobiographique de
Antonia Arslan sur sa famille d’origine arme­nienne, massacree par
les Turcs.

1915. Le patriarche de la riche famille Avakian vient de mourir. Tous
les amis d’Aram (Tcheky Karyo), le fils cadet, et de sa femme
Armineh (Arsinee Khanjian) defilent devant la depouille mortelle
du vieux notable. Le colonel Arkan (Andre Dussollier), representant
les autorites turques, vient aussi lui rendre hommage. La guerre et
les persecutions perpetrees contre la communaute armenienne semblent
bien loin. Nunik (Paz Vega) poursuit aussi une relation secrète avec
Egon (Alessandro Preziosi), un militaire turc. Quelques jours plus
tard pourtant, tout bascule. Alors que la famille Avakian prepare
l’arrivee d’Assadour (Mariano Rigillo), le frère aîne d’Aram, au mas
des Alouettes dont il a herite, des ­militaires turcs debarquent et
tuent tous les hommes et enfants de sexe masculin. Les femmes, quant
a elles, sont deportees via Alep en Syrie, avant d’etre eliminees
a leur tour. Une fresque romanesque puisee dans l’histoire " Nous
avons decouvert l’ampleur et l’horreur de la tragedie armenienne il
y a trois-quatre ans en lisant le livre d’Antonia ­Arslan, explique
Paolo Taviani. Nous nous sentions d’autant plus coupables de l’avoir
ignore que j’ai eu a mon service, a Rome, Melanie, une domestique
d’origine armenienne. Une femme d’une autre epoque qui avait perdu
toute sa famille. C’etait une rescapee du genocide. Lorsqu’elle
nous racontait son drame personnel nous ne la croyions pas. Elle
nous decrivait l’horreur. C’etait insoutenable. Nous pensions alors
qu’elle affabulait. C’est seulement lorsque nous avons prepare ce film,
vu des documents, lu des temoignages, que nous avons realise qu’elle
disait la verite. Nous avons surtout ete conscients, Vittorio et moi,
d’apporter notre modeste pierre a l’edifice, a la cause armenienne
qui attend toujours que justice soit ­faite. Ce film a ete aussi
pour nous la possibilite de traiter d’une tragedie contemporaine a
l’instar du genocide en ex-Yougoslavie et en ­Afrique. " Paolo et
Vittorio Taviani n’ont cependant pas voulu realiser un documentaire,
mais une fresque romanesque puisant ses racines dans l’histoire. "
Nous sommes partis de l’intrigue du livre mais très vite nous avons
bifurque vers la fantaisie precise Paolo Taviani. Nous avons change
les noms et invente certains personnages.

Nunik est aussi devenue le pivot de l’his­toire : une adolescente
qui devient une femme responsable, protectrice qui se sacrifie pour
sa famille. Elle vit aussi une belle histoire d’amour impossible, du
fait des circonstances, avec Youssouf (Moritz Bleibtreu), un soldat
turc, gardien du camp dans lequel elle est retenue prisonnière avec
les autres deportees armeniennes. " Les frères Taviani ont renoue
aussi avec la grande tradition du cinema italien en faisant appel
a des acteurs francais, europeens, canadiens d’envergure comme :
Tcheky Karyo, Paz Vega, Angela Molina, Moritz Bleibtreu et ­Arsinee
Khanjian d’origine armenienne et la femme du realisateur Atom Egoyan.

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