Le Monde, France
17 juin 2007 dimanche
20:40 ARTE;
Le Génocide arménien
1915 : l’Empire ottoman finissant a déjà perdu ses provinces
balkaniques. Il s’engage aux côtés de l’Allemagne dans la première
guerre mondiale. Spéculant sur sa chute, les différentes puissances
européennes rivalisent pour occuper des positions économiques et
politiques à Constantinople. Les Russes, alliés à la France et à
l’Angleterre, ouvrent un front dans le Caucase. Les populations
arméniennes se retrouvent de fait au coeur du champ de bataille.
Victimes d’un pouvoir qui prône l’" homogénéité ethnique ", elles
vont subir massacres, déportations et assassinats. Le génocide de
1915 a fait entre un million et un million et demi de morts. Quelque
600 000 Arméniens ont survécu – rescapés des déportations ou réfugiés
à travers le Caucase, l’Iran, les Balkans ou les provinces arabes.
Le film de Laurence Jourdan retrace le contexte international de ce
génocide, en puisant largement dans les rapports des chancelleries
européennes alors en poste à travers l’Empire ottoman. A l’aide de
centaines de photos et de films d’une grande qualité, le documentaire
expose les origines, les méthodes et les conséquences de la politique
d’extermination conçue et organisée par l’aile militaire des Jeunes
Turcs, le mouvement réformateur au pouvoir au côté du sultan Mehmet
V.
La défaite de l’armée ottomane contre les Russes, en janvier 1915,
sert de prétexte pour lancer les persécutions contre les Arméniens,
accusés – à tort – de trahison au profit de l’armée du tsar. Le 24
avril, 650 notables et intellectuels arméniens sont arrêtés à
Constantinople. C’est le début des déportations et des exécutions.
L’ambassadeur allemand approuve cette " répression d’émeutes ",
tandis qu’en mai, la France, l’Angleterre et la Russie envoient une
déclaration commune dénonçant " ces crimes de la Turquie contre
l’humanité ". Un consul américain prévient son ambassade : il s’agit
d’une " déportation ", " tous les Arméniens sont expulsés ", ils
risquent la mort au cours des déportations organisées vers les
déserts de la Syrie. En octobre 1915, Berlin, craignant d’être
associé aux massacres, élève la voix.
Le nouvel ambassadeur allemand constate, un an plus tard, que ses
admonestations, pas plus que celles de l’ambassadeur américain et du
nonce apostolique, n’ont pu empêcher " l’extermination de la race
arménienne ".