TURQUIE: DEBUT LUNDI DU PROCèS DES MEURTRIERS PRESUMES DE HRANT DINK
Par Nicolas Cheviron
Agence France Presse
29 juin 2007 vendredi 11:29 AM GMT
(Avant-Papier)
Le procès des meurtriers presumes du journaliste turc d’origine
armenienne Hrant Dink, dont l’assassinat avait bouleverse la Turquie en
janvier, doit s’ouvrir lundi a huis-clos devant un tribunal d’Istanbul.
Mais les avocats de la partie civile craignent que cette procedure,
consideree par certains observateurs comme un test du fonctionnement
de la justice turque, laisse dans l’ombre des elements cruciaux
de l’affaire.
Au premier rang des accuses comparaîtra Ogun Samast, un chômeur
de 17 ans originaire de Trabzon (nord-est) et proche des milieux
ultra-nationalistes de cette ville, d’où sont originaires egalement
les 17 autres prevenus.
C’est lui qui, de son propre aveux, a abattu de deux balles dans
la tete et une dans le cou Hrant Dink le 19 janvier a Istanbul,
devant les locaux de l’hebdomadaire bilingue turc-armenien Agos,
que dirigeait le journaliste.
Le ministère public a requis de 18 a 24 ans de prison a son encontre
pour le meurtre, ainsi que de 8,5 ans a 18 ans de prison pour port
d’arme illegal et appartenance a une organisation terroriste.
Le huis-clos a ete ordonne en raison de son âge.
Aux côtes de Samast, les deux dirigeants de l’organisation et
commanditaires de l’assassinat -selon l’acte d’accusation-, Yasin Hayal
et Erhan Tuncel, encourent des peines de prison a vie incompressibles.
Hayal, qui a deja passe plusieurs mois en prison pour un attentat
a la bombe visant un restaurant McDonalds a Trabzon, qui avait fait
six blesses en 2004, est egalement poursuivi pour avoir profere des
menaces a l’encontre du prix Nobel de litterature 2006 Orhan Pamuk,
connu pour ses positions contestataires sur la question armenienne.
M. Pamuk a fait savoir qu’il n’assisterait pas a l’audience.
Des peines allant de 7,5 ans a 35 ans de prison ont ete requises
contre 15 autres comparses supposes, selon leur degre d’implication
dans l’assassinat.
Mais pour la partie civile, d’autres protagonistes auraient dû etre
poursuivis.
"Les forces de securite en activite a Trabzon, où le meurtre a
ete planifie, a Istanbul, où il a ete execute, et a Ankara, où les
renseignements sont rassembles, n’ont pas ete incluses dans le dossier,
alors que leurs liens avec les suspects, le non accomplissement de
leur devoir, leur dissimulation de preuves et meme leur apologie du
crime et du criminel ont ete etablis", a declare vendredi a la presse
l’avocate Fethiye Cetin.
L’organisation non-gouvernementale de defense des droits de l’Homme
Human Rights Watch a qualifie dans un communique vendredi le procès
Dink de "test crucial de l’independance de la justice turque".
Elle a enjoint les juges de "considerer comme penalement responsable
toute force de securite qui sera reconnue coupable de negligence ou
de collusion" avec les criminels.
Hrant Dink, qui militait pour une reconciliation entre les Turcs et
les Armeniens, s’etait attire la haine des cercles ultra-nationalistes
pour avoir ouvertement qualifie de genocide les massacres d’Armeniens
commis en Anatolie entre 1915 et 1917, une qualification rejetee par
la Turquie.
Une marche a la memoire du journaliste avait reuni en janvier, le
jour de ses obsèques, plus de 100.000 personnes scandant des slogans
tels que "Nous sommes tous Armeniens, nous sommes tous Hrant Dink".
Les amis de Dink ont prevu de manifester en sa memoire lundi, non
loin du tribunal où s’ouvrira le procès.
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