Radio Canada
2 juillet 2007
Un procès historique
Le procès du présumé meurtrier du journaliste turc d’origine
arménienne Hrant Dink et de ses complices s’est ouvert à huis clos
devant un tribunal d’Istanbul.
Quelque 2500 manifestants se sont réunis devant les portes du
tribunal pour clamer leur solidarité avec le défunt journaliste qui,
jusqu’à son assassinat en janvier, aura été poursuivi durant des mois
par des menaces de mort pour avoir défendu la réalité du génocide
arménien commis entre 1915 et 1917.
L’ge du principal accusé, un jeune homme de 17 ans, explique la
décision de tenir le procès à huis clos. Ogün Samast, chômeur et
proche des milieux ultranationalistes, aurait, de son propre aveu,
abattu de trois balles Hrant Dink le 19 janvier à Istanbul, devant
les locaux de l’hebdomadaire bilingue turc arménien Agos, que
dirigeait le journaliste. Il soutient l’avoir tué pour des propos
visant à « dénigrer l’identité turque » qu’il aurait prononcés à la
télévision.
Dix-sept autres personnes sont accusées de différents chefs de
complicité.
Amnesty International, qui a envoyé un de ses représentants pour ce
premier jour de procès, craint, tout comme les avocats de la partie
civile, que la procédure ne laisse dans l’ombre des éléments cruciaux
de l’affaire.
L’organisation de défense des droits de la personne rappelle que
d’autres protagonistes, notamment issus des forces de l’ordre, ne
font pas jusqu’ici l’objet de poursuites.
Plusieurs journaux turcs ont rapporté lundi les propos de l’un des
principaux suspects, Yasin Hayal, qui expliquait que lui et ses
compagnons avaient tué Dink selon un ordre donné par des policiers.
« Je ne sais pas si c’était légal ou illégal, mais une chose est
certaine : il y avait un groupe au sein de la police qui nous
contrôlait », a-t-il écrit dans une lettre adressée aux procureurs,
dans des propos rapportés par le quotidien Radikal.
La police n’a pas réagi à ces accusations.
La Turquie hanté par son passé
Amnesty International considère que Hrant Dink a été pris pour cible
parce qu’il défendait la liberté d’expression. Le journaliste avait
été poursuivi à trois reprises par le passé au titre de l’article 301
du Code pénal turc, qui rend passible d’inculpation le fait de «
dénigrer l’identité turque ».
« Bien sûr, je dis que c’est un génocide, parce que le résultat
identifie ce que c’est et lui donne un nom. Vous pouvez voir qu’un
peuple qui a vécu sur ces terres pendant quatre mille ans a disparu.
», déclarait à Reuters Hrant Dink, peu avant d’être poursuivi pour
une troisième fois, en septembre 2006.
Plus de 100 000 personnes avaient assisté à son enterrement, en signe
de solidarité face aux violences des ultra-nationalistes.
La Turquie a jusqu’ici reconnu que des massacres d’Arméniens ont été
commis entre 1915 et 1917, mais les inscrit dans le contexte
d’affrontement inter-ethniques entre Turcs musulmans et Arméniens
chrétiens à la chute de l’Empire ottoman et refuse donc d’en
reconnaître le caractère planifié, ou génocidaire.