Axa indemnisera des descendants de victimes du genocide armenien

La Croix, France
Jeudi 12 Juillet 2007

Axa indemnisera des descendants de victimes du génocide arménien.;

Les héritiers de 7 000 victimes des massacres en Arménie en 1915
peuvent prétendre à des prestations d’assurance auprès du groupe Axa.

ACAR Anne-Lucie

Les héritiers des victimes des massacres d’Arméniens sous l’Empire
ottoman pendant la Première Guerre mondiale peuvent prétendre à des
prestations d’assurance auprès du groupe français Axa jusqu’en
octobre, ont annoncé mardi des avocats. AXA est en effet parvenu à un
accord d’un montant de 17,5 millions de dollars (12,7 millions
d’euros) en faveur des héritiers de porteurs de polices d’assurance
auprès de filiales de cette compagnie, notamment l’Union-Vie, qui
exerçaient alors leur activité dans l’Empire ottoman.

Il y a deux semaines, Axa a diffusé la liste de 7 000 victimes dont
les héritiers peuvent demander le paiement d’une prestation
d’assurance.

Les candidats doivent présenter des documents prouvant leurs liens
avec les victimes, a précisé le cabinet d’avocats qui s’est chargé de
la plainte. Barseg Gardalian, un avocat de ce cabinet américain, a
précisé que les candidatures étaient acceptées depuis le 1er avril
jusqu’au 1er octobre.

Le cabinet de l’avocat californien d’origine arménienne Vartkes
Yeghyayan avait déjà entrepris une démarche similaire il y a quatre
ans auprès de la compagnie d’assurances New York Life aux États-Unis.
En janvier dernier, New York Life a commencé à verser des prestations
aux héritiers de ses assurés arméniens qui vivaient dans l’Empire
ottoman en 1915.

Forts de ce succès, les avocats étaient parvenus fin 2005 à un accord
équivalent avec Axa. Le groupe ne souhaite pas faire de déclarations
complémentaires, considérant aujourd’hui que la procédure a suivi son
cours normalement.

Dès 1922, le directeur de l’Union-Vie avait informé les autorités
françaises que la compagnie détenait un portefeuille de plus de 10
000 contrats d’assurance-vie souscrits principalement par la
population d’origine arménienne, mais l’affaire était tombée dans
l’oubli.

Depuis, c’est le principe de la prescription qui empêchait les
héritiers de récupérer les sommes investies par leurs aïeux. Un
facteur que le cabinet d’avocats en charge de l’affaire a réussi à
faire invalider par un tribunal de Los Angeles, en s’appuyant sur la
législation californienne qui reporte à 2010 la prescription pour les
crimes commis lors des massacres en Arménie.

Les indemnités reversées par Axa seront réparties en deux volets :
l’un pour les descendants des victimes, l’autre pour les associations
et organisations arméniennes de France, qui effectuent un travail de
mémoire depuis les massacres. Ainsi, sur les 17 millions de dollars
qui correspondent à la somme des contrats datant de 1915, 3 millions
devraient être reversés à des associations.

« Pour entrer dans le cadre des décisions du jugement, les projets
présentés devront être à caractère éducatif ou humanitaire »,
explique Alexis Govciyan, qui préside le Conseil de coordination des
organisations arméniennes de France (CCAF) et qui a été chargé par le
cabinet Vartkes Yeghyayan de collecter les projets des associations
demandeuses de fonds. Ils seront ensuite transmis à la fondation qui
sera créée par le cabinet d’avocats américain, en liaison avec Axa.

Au-delà de l’aspect financier, la décision d’indemniser les héritiers
des anciens assurés a une portée politique. « C’est un événement très
important en termes de reconnaissance des faits qui se sont déroulés
à partir de 1915, ajoute Alexis Govciyan. Cette décision est
essentielle dans un contexte où nous essayons de lutter contre la
négation du génocide arménien. » En effet, les autorités turques
continuent de nier le génocide de la population arménienne entre 1915
et 1917, des massacres qui ont fait plus de 1,5 million de morts
selon les Arméniens, 250 000 à 500 000 selon les autorités turques.

« On observe aujourd’hui un grand activisme des associations turques
qui nient le génocide, ajoute Alexis Govciyan. Le comité Talaat
Pacha, du nom de l’instigateur du génocide arménien, est
particulièrement actif. L’accord avec le groupe Axa est fondamental
pour lutter contre cette vision négationniste. »

Début 2006, des plaintes en nom collectif demandant la restitution de
dépôts saisis par l’Empire ottoman et transférés en Europe ont été
déposées contre de grandes banques occidentales, notamment la
Deutsche Bank et la Dresdner Bank.