Le dilemme des =?unknown?q?minorit=E9s?= non musulmanes

Le Figaro, France
21 juillet 2007

Le dilemme des minorités non musulmanes;

Le patriarche arménien a appelé à voter pour le parti d’Erdogan.

Istanbul LAURE MARCHAND

LES MINORITÉS de Turquie se rendent aux urnes sans entrain. Au cours
de la campagne électorale, les non-musulmans ont souvent été accusés
par les partis nationalistes d’être à la solde des « ennemis de
l’extérieur » . Depuis le début de l’année, l’assassinat du
journaliste d’origine arménienne Hrant Dink et la tuerie de Malatya,
où trois protestants évangéliques ont été égorgés, ont renforcé
l’inquiétude. Les mésaventures du chanteur grec Giorgios Dalaras sont
moins dramatiques mais symptomatiques : son concert à Istanbul,
programmé dans le cadre du congrès mondial de la jeunesse orthodoxe,
a été annulé samedi.

L’administration a dit n’avoir pas reçu les documents nécessaires. En
fait, la presse s’était livrée à une campagne venimeuse contre lui,
l’accusant de xénophobie antiturque. « L’AKP est plus modéré » Dans
ce climat délétère, les communautés arménienne, orthodoxe et juive
(reconnues par le traité de Lausanne en 1923) voteront le plus
souvent par défaut. « L’AKP est plus modéré et le moins nationaliste
dans ses relations avec les minorités , a déclaré le patriarche
arménien Mesrob II dans une interview à Der Spiegel . Le gouvernement
d’Erdogan nous écoute – nous voterons pour l’AKP aux prochaines
élections. » La consigne de vote a été diversement appréciée. Mais
les Arméniens savent gré au parti d’Erdogan d’avoir soutenu
l’organisation d’une conférence sur le génocide arménien à Istanbul
et d’avoir fait voter une loi sur les fondations religieuses afin de
permettre la restitution des biens immobiliers confisqués par l’État.
Le Parti républicain du peuple (CHP), la gauche kémaliste, s’y est
opposée et le président de la République, Ahmet Necdet Sezer, a
opposé son veto. « Les progrès sont boiteux mais ils existent » ,
compare Arev, 26 ans, qui reproche à l’AKP d’avoir réduit la voilure
des réformes demandées par Bruxelles. « Une partie de la communauté
juive, notamment les intellectuels, souhaite que l’AKP l’emporte,
sans voter pour eux » , décrypte Izel Rozental, caricaturiste de
presse qui relève « le paradoxe de ces enfants gâtés de la République
turque, contrairement aux Arméniens et aux Grecs » . Les habitants de
la deuxième circonscription d’Istanbul, sur la rive européenne, sont
les seuls à avoir résolu le dilemme : le candidat indépendant Baskin
Oran, universitaire de gauche en croisade contre les dérives
nationalistes, se présente. La majorité des minoritaires voteront
pour cet ami de Hrant Dink.

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