Agence France Presse
23 août 2007 jeudi 4:20 AM GMT
Les marchandises turques affluent en Arménie malgré la frontière
fermée (MAGAZINE)
EREVAN 23 août 2007
Les camions turcs chargés de marchandises se fondent dans le paysage
des routes tortueuses d’Arménie, pays voisin de la Turquie avec
lequel le commerce prospère en dépit de la fermeture officielle de la
frontière et de la haine historique.
"Ce qui est important à mes yeux, ce sont la qualité et le prix des
marchandises, pas leur pays d’origine", explique Sourain, jeune
habitant d’Erevan, la capitale de l’Arménie, qui vient d’acheter une
machine à laver fabriquée en Turquie.
Les marchandises turques affluent en Arménie malgré une longue
histoire d’antagonisme entre Arméniens et Turcs liée aux massacres
d’Arméniens en 1915-17 sous l’Empire Ottoman, qu’Ankara refuse de
qualifier de "génocide".
Erevan n’est qu’à 25 kilomètres de la frontière turque. Mais en
raison de l’embargo commercial turc contre l’Arménie et de la
frontière fermée, ils doivent faire de longs détours à travers la
Géorgie voisine.
En 1993, la Turquie a interdit les exportations vers l’Arménie et a
fermé sa frontière dans un geste de solidarité avec l’Azerbaïdjan, en
guerre avec l’Arménie pour le contrôle de l’enclave du Nagorny
Karabakh.
Résultat, les files de camions turcs en route pour Erevan atteignent
parfois plus d’un kilomètre au principal point de passage entre
l’Arménie et la Géorgie.
Afin de contourner l’embargo, les marchandises changent
officiellement de propriétaire en Géorgie, en passant par des
intermédiaires ou par des compagnies spécialement créées à cet effet
par les exportateurs turcs.
Gadjik Kotcharian, responsable du ministère arménien du Commerce et
du développement économique, reconnaît le "grand nombre de
marchandises turques en Arménie", le plus souvent de l’électroménager
ou des vêtements.
Les ventes de produits turcs ont augmenté de 40% en 2006 par rapport
à l’année précédente, selon les chiffres du ministère.
Des hommes d’affaires turcs et arméniens ont appelé leurs
gouvernements à la levée de l’embargo et à la réouverture de la
frontière.
"Ce serait très avantageux pour les deux pays de rouvrir la
frontière", estime ainsi Kaan Soiak, vice-président du Conseil
turco-arménien du développement économique.
Selon l’homme d’affaires turc, la réouverture de la frontière
faciliterait aussi l’accès de l’Arménie, ex-république soviétique
enclavée dans le Caucase, aux marchés occidentaux.
"Malheureusement, les hommes politiques de deux côtés tirent profit
de l’état actuel des choses", déplore-t-il.
Il est notamment peu probable que la Turquie arrête de soutenir
l’Azerbaïdjan sur le Nagorny Karabakh, territoire peuplé par 145.000
Arméniens qui s’est autoproclamé indépendant de l’Azerbaïdjan en
1991.
Lors d’une rencontre à Istanbul en juin dernier, le ministre arménien
des Affaires étrangères, Vartan Oskanian, a ainsi appelé la Turquie à
rouvrir sa frontière avec l’Arménie, mais Ankara a posé le règlement
du conflit du Nagorny Karabakh comme condition préalable.
L’assassinat du journaliste arménien Grant Dink par un
ultra-nationaliste à Istanbul en janvier a aussi contribué à la
détérioration des relations entre les deux pays.
Et tous les Arméniens ne sont pas prêts à mettre de côté la politique
au nom du commerce.
"Je n’achète pas de marchandises turques ou azerbaïdjanaises et je ne
comprends pas du tout les gens qui se fichent de l’origine des
produits!", s’offusque un vieil habitant d’Erevan, Robert Sanasarian,
qui pour rien au monde n’achèterait des produits fabriqués par les
"adversaires" de l’Arménie.
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress