Ankara Marque Des Points Contre Un Reseau Ultranationaliste

ANKARA MARQUE DES POINTS CONTRE UN RESEAU ULTRANATIONALISTE

Le Temps
30 janvier 2008
Suisse

TURQUIE. Une trentaine de membres d’un gang ayant pour objectif de
destabiliser le pays et de tenter un coup d’Etat ont ete arretes.

L’Etat turc reprendrait-il le contrôle sur l’"Etat profond", cet Etat
dans l’Etat alliant les forces de l’ordre, la politique et la mafia?

C’est ce que semble reveler l’operation "Ergenekon" dans laquelle 29
personnes sont poursuivies.

Cette operation a debute il y a huit mois dans un quartier
d’Istanbul avec la decouverte d’armes ayant servi lors de l’attaque
du Conseil d’Etat en mai 2006. Mardi 22 janvier, un deuxième palier
est franchi avec l’arrestation de 33 personnes, dont la notoriete
de certaines n’est plus a faire. C’est le cas de Veli Kucuk, general
a la retraite et tete supposee de ce gang. Suspecte d’avoir cree le
service de renseignement de la gendarmerie (Jitem) charge dans les
annees 1990 d’actes de contre-guerilla dans la lutte contre le Parti
des travailleurs du Kurdistan (PKK), l’homme a ete implique dans le
scandale de Susurluk qui, en 1997, avait revele l’existence de ce
fameux "Etat profond". Par ailleurs, peu avant son assassinat il y
a un an, le journaliste armenien Hrant Dink avait dit avoir recu des
menaces de sa part. Veli Kucuk est aujourd’hui incarcere et poursuivi
pour incitation a la rebellion armee.

Parmi les autres personnes arretees se trouvent Kemal Kerincsiz,
avocat ultranationaliste connu pour avoir intente un procès a Orhan
Pamuk, Prix Nobel de litterature, mais aussi Fuat Turgut. Ce dernier,
lui aussi avocat, defend l’un des suspects impliques dans l’assassinat
de Hrant Dink. "Il y a beaucoup trop d’Armeniens ici", avait-il lance
a la famille de la victime a l’ouverture du procès, en juillet.

Multiplicite des "ennemis"

Selon son manifeste, ce gang ultranationaliste s’est donne comme
objectif de defendre la Republique menacee de divisions par des
forces externes et interne et de retourner a l’âge d’or du kemalisme,
a l’epoque où ni la question kurde, ni le tabou armenien, ni la place
de l’islam n’ebranlaient le pays. Le groupe aurait prevu un plan en
six etapes visant a destabiliser le pays pour tenter un coup d’Etat
en 2009. La multiplicite des "ennemis" expliquerait la diversite des
personnalites prises pour cible. Selon le journal Hurriyet, Orhan
Pamuk ainsi que des leaders politiques kurdes se trouvaient ainsi sur
une liste d’hommes a abattre. Certains commentateurs se demandent
depuis si ce gang n’est pas implique dans d’autres assassinats,
comme ceux d’un pretre italien et de trois protestants a Malatya,
et dans certains attentats attribues aux activistes du PKK.

Ce coup de filet a suscite de nombreux espoirs, notamment du côte
des avocats de la famille de Hrant Dink, mais il soulève aussi de
nouvelles attentes. "Jusqu’où s’enfoncent les racines [de ce gang]
au sein de l’Etat? Qui en est la tete principale?" s’interroge Hasan
Cemal. Journaliste a Milliyet, il appelle la justice a "suivre cette
piste jusqu’a l’interieur de l’Etat".

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