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Les Eglises chretiennes en quete d’une date commune

Le Temps, Suisse
22 mars 2008

Les Eglises chrétiennes en quête d’une date commune;

Les principales confessions chrétiennes n’arrivent pas à se mettre
d’accord.

«J’ai rêvé que toutes les Eglises du monde célébreraient la
résurrection de notre Seigneur commun ensemble, le même jour, comme
l’une des expressions visibles de l’unité chrétienne.» C’était en
2006 à Porto Alegre, où était réunie l’assemblée du Conseil
oecuménique des Eglises (COE): Aram Ier, patriarche de l’Eglise
arménienne de Cilicie, rêvait à haute voix. Ce rêve a été exprimé à
plusieurs reprises par les chrétiens au cours du XXe siècle et au
début du XXIe siècle, sans jamais devenir réalité, sauf lorsque le
hasard veut que les calendriers julien et grégorien coïncident. Le
sera-t-il un jour? Difficile à dire, tant les obstacles sont
nombreux.

En 1997, des représentants des Eglises chrétiennes occidentales et
orientales réunis à Alep en Syrie jetèrent les bases d’une réflexion
sur une date de Pques commune. Ils souhaitaient parvenir à un accord
sur cette question à l’horizon de 2001, première année du nouveau
siècle où Pques tombait le même jour pour tous les chrétiens. Non
seulement ce projet ne se réalisa pas, mais il est toujours loin de
voir le jour. «Les discussions n’ont pas avancé, confirme Dagmar
Heller, pasteure de l’Eglise évangélique d’Allemagne et spécialiste
du dossier pour le COE. Aucune des Eglises chrétiennes ne veut
s’adapter au calendrier des autres, ni convenir d’une date fixe.»
Pour les orthodoxes, «le calendrier julien est comme une icône, c’est
quelque chose de sacré, poursuit Dagmar Heller. Dans l’histoire des
Eglises orthodoxes, les changements de calendrier ont provoqué
beaucoup de problèmes et également des schismes.» Quant aux Eglises
occidentales, «elles tiennent au calendrier grégorien, qu’elles
trouvent plus moderne et plus proche de la réalité astronomique».

A l’instar de Noël

L’adoption d’une date commune fixe, à l’instar de Noël, aurait
l’avantage de ne privilégier aucun des deux calendriers. La question
a été abordée à plusieurs reprises au cours du siècle dernier, en
particulier sous la pression de la société civile. En 1928, le
parlement britannique avait par exemple adopté la «loi de Pques»,
qui avait fixé la date de la célébration au dimanche qui suit le
deuxième samedi d’avril. Mais cette solution ne devait entrer en
vigueur qu’avec l’accord de toutes les Eglises, qui ne fut jamais
atteint.

La Société des Nations, ancêtre de l’ONU, s’était également emparée
de la question à partir de 1923 et l’avait soumise à la Commission
technique consultative pour les communications et les transports.
Celle-ci voulait introduire un nouveau calendrier valable pour le
monde entier et une date de Pques fixe. Elle proposa le modèle
britannique et demanda leur avis aux différentes Eglises.

La plupart des Eglises protestantes approuvèrent la proposition. Les
Eglises orthodoxes firent savoir, par l’intermédiaire du Patriarcat
oecuménique de Constantinople, qu’elles pouvaient envisager une date
fixe de Pques à condition que ce soit un dimanche et que toutes les
Eglises chrétiennes soient d’accord. Enfin, l’Eglise catholique
répondit que seul un concile oecuménique pouvait régler cette
question.

La tentative d’établir un nouveau calendrier fut reprise après la
Seconde Guerre mondiale par l’ONU. Elle échoua en 1955, lorsque les
Etats-Unis rejetèrent cette idée.

Cependant, l’idée d’une date de Pques fixe émergea à nouveau lors du
Concile Vatican II. L’Eglise catholique affirma ainsi dans sa
Constitution sur la Sainte Liturgie qu’elle ne s’opposait pas «à ce
que la fête de Pques soit fixée à un dimanche déterminé dans le
calendrier, avec l’assentiment de ceux à qui importe cette question.»
Le COE lança une enquête entre 1965 et 1967. Toutes les Eglises se
disaient alors prêtes à célébrer Pques à une date commune. La
majorité des Eglises occidentales se prononça en faveur d’une date
fixe, mais les Eglises orthodoxes souhaitaient une date commune
variable en fonction de la règle établie lors du concile de Nicée, à
savoir que Pques devait être célébré le dimanche suivant la première
pleine lune après l’équinoxe de printemps.

Connexion avec la Pque juive

Dans les années qui suivirent, les Eglises se mirent d’accord sur le
fait que l’adoption d’une solution devait répondre uniquement à des
intérêts religieux, et pas à la satisfaction d’intérêts séculiers.
L’idée d’une date fixe fut définitivement abandonnée en 1997 lors de
la réunion d’Alep.

Les Eglises chrétiennes rappelèrent à cette occasion qu’il y a une
intime connexion entre la Pque juive et la passion et la
résurrection de Jésus. «En éliminant toute référence aux normes
bibliques concernant le calcul de la Pque, une date fixe rendrait ce
lien plus obscur et plus faible», établit le document d’Alep. Autre
raison théologique: «Une date de Pques mobile fait non seulement
découvrir d’importants aspects symboliques de cette fête mais elle
révèle aussi de manière palpable le cheminement spectaculaire par
lequel la Résurrection brise les routines confortables de ce monde».
Enfin, «chercher à adopter un dimanche fixe soulèverait des
difficultés pour beaucoup d’Eglises et, si cela était introduit
unilatéralement par une Eglise ou un groupe d’Eglises il pourrait
bien en résulter non plus deux mais trois dates différentes de
Pques.»

Jalatian Sonya:
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