LA TURQUIE ET L’ARMENIE MISENT SUR LA DETENTE
Le Figaro
Jeudi 24 Juillet 2008
France
ASIE MINEURE Plusieurs gestes des deux côtes eclaircissent
l’atmosphère, mais la frontière entre les deux pays reste fermee.
par Marchand, Laure Pg. 6 N° 19900
AUX CONFINS orientaux de la Turquie, le long de la frontière avec
l’Armenie, des eglises en ruines sont battues par les vents de la
steppe. Ce sont les vestiges d’Ani, l’ancienne capitale du royaume
armenien, qui date du Xe siècle. Cruaute de l’histoire, le traite
de Lausanne de 1923, elabore par les puissances occidentales, les
fit basculer du côte turc. Jamais un president de la Republique de
Turquie ne s’y etait rendu. Hier soir, Abdullah Gul l’a fait. Sa
visite etait d’autant plus symbolique que les gestes pour detendre
les relations entre les deux pays se multiplient.
Dans le Wall Street Journal, le 9 juillet, le president armenien, Serge
Sarkissian, avait marque sa disponibilite a ouvrir " une nouvelle phase
de dialogue avec le gouvernement et le peuple de Turquie ". Ankara
et Erevan ont confirme que des discussions secrètes, devoilees par le
quotidien Hurriyet, avaient eu lieu a deux reprises, le 8 juillet et
au mois de mai. Les rencontres des diplomates turcs et armeniens, qui
se sont deroulees a Berne, en Suisse, auraient dure plusieurs jours.
Autre geste revelateur d’un changement d’atmosphère : le chef de l’Etat
armenien a invite son homologue turc a assister au match de football
Turquie-Armenie, comptant pour les qualifications de la Coupe du monde
2010, qui aura lieu le 6 septembre a Erevan. Matthew Bryza, secretaire
d’Etat americain adjoint charge des Affaires eurasiatiques, a presse le
president Gul d’accepter. Ce dernier, partisan du rapprochement entre
les deux pays, n’a pas encore repondu. " L’acte serait très courageux,
mais pourra-t-il le faire ? " s’interroge Sami Kohen, editorialiste
au quotidien Milliyet. L’AKP (le parti islamo-conservateur dont est
issu M. Gul, NDLR ) se trouve en très mauvaise posture sur le plan
interieur. "
Mini-sommet regional
Ankara a ferme sa frontière avec son voisin en 1993 au plus fort
de la guerre entre l’Armenie et l’Azerbaïdjan, pays " frère "
de la Turquie. Depuis, le statu-quo règne. Reconnaissance du
genocide armenien par les Turcs, retrait des troupes armeniennes
du Haut-Karabagh, validation par Erevan du trace frontalier
armeno-turc… Les contentieux sont lourds " mais leurs resolutions
ne sont plus des conditions a la reprise du dialogue, souligne Sami
Kohen. Les deux parties mettent en avant leur desir de normalisation,
c’est deja ca ".
Malgre les declarations de bonnes intentions, l’economie de l’Armenie,
enclavee, risque de pâtir encore longtemps de la frontière close.
Aujourd’hui a Kars, la grande ville de la province, Abdullah
Gul retrouve les presidents georgien, Mikhaïl Saakachvili, et
azerbaïdjanais, Ilham Aliev, pour un minisommet regional. Les trois
chefs d’Etat doivent donner le coup d’envoi a la construction du
troncon turc d’une ligne de chemin de fer. Prevu pour etre operationnel
en 2010, le trace Kars-Tbilissi-Bakou contournera l’Armenie, renforcant
ainsi la quarantaine regionale de ce pays.
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