Longtemps en Diaspora, les Armeniens retournent au pays

Nouvelles d’Arménie, France

ARMENIE

Longtemps en Diaspora, les Arméniens retournent au pays

dimanche10 août 2008, par Stéphane/armenews

Erevan – Qu’est-ce qui inciterait une jeune famille à abandonner une
vie confortable et à déménager dans un pays pauvre où l’eau
courante est encore un luxe pour beaucoup, où la politique est
embrouillée et la menace de guerre est très présente ?

Pour Aline Marslian, 41 ans, son mari Kévork Sarian et leurs deux
enfants, c’est l’appel de leur patrie.

"C’est quelque chose de spécial quand on quitte son propre pays" dit
Marslian, qui est venu en Arménie après que sa famille eût vécu
pendant des générations en Syrie.

Attiré par les opportunités économiques d’un pays changeant très
vite et l’attrait du "chez soi", certaines personnes de la vaste
Diaspora arménienne s’installent dans le pays que leurs ancêtres ont
longtemps gardé vivant en eux, bien plus qu’en imagination. Les
habitants de longue date, entre-temps, ne quittent plus le pays en
grand nombre.

Alors que 3,2 millions de personnes vivent dans cette nation
montagneuse du Caucase sans accès à la mer, la plus petite des
républiques ex-soviétique, on estime à 5,7 millions le nombre
d’Arméniens vivant à l’étranger. Les diasporas les plus nombreuses
se trouvent en Russie (2 millions), aux USA (1,4 millions), en
Géorgie (400 000) et en France (450 000) d’après les données du
gouvernement.

La plupart de ceux de la Diaspora, comme la famille Marslian, sont des
descendants de ceux qui ont échappé aux meurtres d’au moins un
million et demi d’Arméniens en Turquie Ottomane au cours de la
Première Guerre Mondiale, une tragédie que l’Arménie veut être
reconnue comme génocide, mais que la Turquie moderne persiste à
considérer comme une partie inhérente de la violence de la guerre.

Beaucoup plus tard, d’autres ont fui l’effondrement économique dont
l’Arménie a souffert après l’écroulement en 1991 de l’URSS, quand
l’électricité n’était disponible que quelques heures par jour,
quand les gens devaient abattre des arbres pour se chauffer, et que le
pain et le beurre étaient rationnés.

Le conflit dévastateur avec l’Azerbaïdjan voisin au sujet du
territoire contesté du Nagorno-Karabakh, au cours duquel 30 000
personnes sont mortes, a provoqué l’exode. On estime à 500 000 le
nombre de personnes qui ont quitté le pays en 1992-1994, la plupart
vers la Russie.

Néanmoins, au cours des 4 dernières années, l’Arménie a
enregistré un accroissement de population de 33 200 habitants, la
première tendance positive depuis l’indépendance en 1991, avec
l’effondrement de l’URSS, dit Vahan Bakhshétian, un expert des
migrations du Ministère de l’Aménagement du Territoire. Bien qu’il
soit difficile de dire combien d’Arméniens reviennent de façon
permanente, Bakhshétian dit que la tendance donne de l’espoir.

"Nous voyons maintenant revenir beaucoup de ceux qui étaient partis"
dit Vladimir Karapétian, du Ministère des Affaires
Etrangères. Parmi ceux qui reviennent, beaucoup viennent de la
diaspora russe. Certains sont attirés ici par le développement
économique, tandis que d’autres fuient la xénophobie croissante en
Russie.

Garik Hayrapétyan du Fonds de la Population des Nations Unies, dit
aussi que les Arméniens ne partent plus en grand nombre, mais il
prévient que le rapatriement qui émerge ne tiendra pas sans un
progrès économique et politique.

Pour beaucoup, le meilleur atout du pays est son riche patrimoine
culturel. Il y a 2000 ans, l’Arménie était un vaste royaume
s’étendant entre la Mer Noire et la Mer Caspienne. Par la suite, il a
été divisé et absorbé par de plus grands états, comprenant
l’Empire Ottoman et la Russie tsariste, et ensuite l’URSS.

Les Arméniens sont fiers de ce que l’Arche de Noé se soit posé dans
leur pays, sur le Mont Ararat biblique, bien que la montagne au sommet
enneigé fasse maintenant partie de la Turquie, surplombant Erevan. On
dit que le pays est le premier état à avoir adopté le Christianisme
comme religion.

Cependant, de toutes façons, l’Arménie reste un endroit incomparable
pour attirer ceux qui reviennent, malgré le fait qu’en dépit du
développement économique de ces dernières années, plus d’un quart
de la population souffre de la pauvreté et le revenu mensuel moyen
soit un maigre équivalent de 275 dollars.

L’aide de l’extérieur est cruciale. Les Arméniens de la Diaspora
envoient des millions de dollars pour des projets d’investissement et
de secours, et une grand nombre d’habitants survivent grâce à des
transferts d’argent individuels de parents à l’étranger. Le Fonds
Monétaire International estime que ces versements représentent dix
pour cent de l’économie du pays.

Ceux qui envoient de l’argent sont motivés par le même amour du pays
qui fait revenir les Arméniens. James Tufenkian, un
Arméno-Américain, a investi quelque 30 millions de dollars pour
faire revivre l’industrie de la tapisserie traditionnelle, largement
détruite pendant l’ère soviétique, la construction d’hôtels, et
les Å`uvres caritatives. Aujourd’hui, il procure des emplois à plus
de mille personnes ici.

J. Tufenkian, 47 ans, a dit qu’il avait décidé d’aider le pays
après sa première visite lors de la pointe du déclin économique de
l’Arménie au début des années 1990.

"J’ai senti que j’avais une chance de faire quelque chose pour
améliorer la vie des gens, que c’était l’appel de ma patrie", dit-il
lors d’une interview au téléphone avec New York.

Aujourd’hui, Erevan se transforme peu à peu d’une cité effondrée en
une capitale vibrante et moderne. Le centre ville est fier de ses
boutiques occidentales , des couteux restaurants, et de sa jeunesse
branchée.

Pourtant le reste de la ville, perché au sommet des collines est un
pauvre mélange de blocs d’appartements de l’ère soviétique et de
maisons délabrées de deux ou trois étages, avec du linge pendu aux
balcons. L’air est très pollué, surtout par les gaz d’échappement
des voitures de l’ère soviétique qui encombrent la ville. Certains
quartiers d’Erevan continuent à subir des coupures d’eau courante,
comme dans les années 1990.

Alors que l’Arménie est considérée comme l’une des républiques les
plus libres de l’ancienne URSS, la fragilité de sa démocratie est
apparue récemment cette année. Huit personnes ont été tuées dans
des affrontements entre les forces gouvernementales et les activistes
de l’opposition qui contestaient les résultats des élections. Le
conflit du Nagorno-Karabakh augmente aussi la tension.

Mais interrogez Kévork Sarian sur la vie en Arménie et l’émigré
qui a quitté la Syrie avec sa femme et ses enfants, parle plutôt de
ses retrouvailles au pays natal que du climat politique.

Le Sarian barbu et souriant avait été à l’Université d’Erevan au
début des années 1980 et disait qu’il avait toujours souhaité
revenir. La famille a emménagé en 1998, et lui a réussi a faire
quelques affaires, et sa femme a tenu une laverie.

Aujourd’hui, à 46 ans, Kévork Sarian dit qu’il s’est senti séparé
de ses voisins syriens. "Même s’ils vous regardent aimablement, vous
êtes toujours un étranger, c’est là le sentiment de tout Arménien
en Diaspora", dit-il.

Son fils de 15 ans, Ardag, ajoute qu’en Arménie, "on sent qu’on est
dans son pays".

Le rapatriement n’a pas été aussi facile pour Aline Marslian, la
mère de famille. Elle se rappelle une vie de classe moyenne à Alep,
une ville de la partie nord de la Syrie, avec l’eau courante 24 heures
par jour, et les marchés pleins de fruits et légumes. A Erevan,
quand la famille est arrivée, il n’y avait de l’eau que deux heures
par jour, parfois le seul pain qu’on trouvait était rassis, et elle
regrettait l’emploi qu’elle aimait beaucoup d’ingénieur en
construction. Mais dix ans plus tard, assise dans un appartement neuf,
spacieux, décoré de photos de famille, Aline dit qu’elle n’a plus de
regrets "J’ai décidé que c’était ici mon pays".

Un rapatrié plus récent, Zoraïr Atabékian, 36 ans, espère un
avenir similaire. Il est revenu en 2005 après 5 ans au Canada, avec
le mal du pays et dans l’espoir de fonder une affaire. Bien qu’il
gagne beaucoup moins en vendant de la bijouterie à Erevan, qu’à
diriger une entreprise d’architecture d’appartement à Montréal, il
dit qu’il savait que finalement sa décision se révélerait juste.

"Aujourd’hui, ce pays offre un tas de possibilités" dit-il. "C’est
pourquoi de nombreux membres de la Diaspora reviennent ici pour monter
des entreprises".

Associated Press – dimanche 8 juin 2008

traduction Louise Kiffer

ticle=43050

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