L’Express, France
6 Septembre 2008
Ankara envisage de renouer les relations avec Erevan
Reuters
La visite du président turc Abdullah Gül en Arménie pourrait ouvrir la
voie à une reprise des relations diplomatiques entre Ankara et Erevan,
déclare le ministre turc des Affaires étrangères.
Dans une interview accordée samedi à Reuters, Ali Babacan a estimé que
la première visite, samedi, d’un président turc dans un pays qui
accuse Ankara de s’être rendue coupable d’un génocide envers sa
population était prometteuse pour l’avenir.
"La visite de mon président à Erevan (…) constituera une étape
importante pour ouvrir les portes du dialogue avec l’Arménie", a-t-il
dit en marge d’une réunion avec ses homologues des Vingt-Sept à
Avignon, dans le sud de la France.
Gül assistera au match Arménie-Turquie, qui compte pour les
éliminatoires de la Coupe du monde de football 2010.
Cette visite revêt un caractère hautement symbolique pour des pays qui
n’entretiennent pas de liens diplomatiques et dont les rapports sont
viciés par le massacre de centaines de milliers d’Arméniens sous
l’empire ottoman, pendant la Première Guerre mondiale. Ankara rejette
l’accusation de génocide.
"Nous pensons que les circonstances actuelles sont propices à une
décision courageuse", a ajouté Babacan.
Si les deux pays parviennent à une normalisation diplomatique, il peut
en résulter un changement de taille pour la Turquie en tant que
puissance régionale, pour les livraisons de pétrole et de gaz de la
mer Caspienne ainsi que pour l’influence de l’Occident dans le
Sud-Caucase, ou la Russie a démontré sa force militaire, le mois
dernier en Géorgie.
L’envoi de troupes russes, début août, en Géorgie, ex-république
soviétique jouxtant l’Arménie et la Turquie, a persuadé nombre
d’observateurs qu’il était temps qu’Erevan et Ankara mettent leurs
divergences de côté.
LES MASSACRES DE 1915 ÉVOQUÉS
Les oléoducs et gazoducs reliant la Caspienne au littoral turc de la
Méditerranée contournent l’Arménie par le Nord en traversant la
Géorgie. L’intervention russe ayant mis en évidence la vulnérabilité
de cet itinéraire, l’Arménie pourrait fournir une voie de substitution
attrayante.
La Turquie n’a jamais ouvert d’ambassade en Arménie et, en 1993,
Ankara a fermé la frontière commune en signe de solidarité avec
l’Azerbaïdjan, son allié turcophone, qui dispute à l’Arménie le
contrôle de la région du Haut-Karabakh.
"Il est maintenant temps de parler des problèmes de manière ouverte,
courageuse et d’essayer de trouver des solutions", a ajouté le chef de
la diplomatie turque. "Nous n’avons pas de relations diplomatiques
avec l’Arménie. Qu’est-ce que nous allons faire à ce propos? C’est un
autre dossier à discuter."
Babacan s’est montré prudent quant à la possibilité d’une percée sur
ce front dès la rencontre, samedi, entre Abdullah Gül et le président
arménien Serj Sarksyan en marge du match.
"Nous devons voir comment la réunion se déroule", a-t-il
déclaré. "Nous sommes prêts pour un dialogue accru."
Ce dialogue, a-t-il poursuivi, n’aura aucun tabou et les massacres de
1915 pourront aussi être évoqués.
Le Premier ministre turc Tayyip Erdogan a proposé de mettre sur pied
une commission d’historiens turcs, arméniens et de pays tiers pour
examiner les archives et tenter de s’accorder sur ce qui s’est
réellement passé au début du siècle dernier.
Le commissaire européen à l’Elargissement, Olli Rehn, a salué la bonne
volonté de la Turquie.
"J’espère que cela ouvrira la voie à une percée dans les relations
entre la Turquie et l’Arménie et un retour à la normale des relations
diplomatiques, à l’ouverture de la frontière et à l’examen de dossiers
historiques sensibles", a-t-il dit en marge de la réunion d’Avignon.
"Si la Turquie joue aussi bien qu’elle l’a fait dans le championnat
européen (de football, ou elle a atteint les demi-finales), elles
devrait provoquer un incident diplomatique à Erevan", a-t-il ironisé.
Version française Yves Clarisse
s/infojour/reuters.asp?id=78473
From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress