Le Figaro, France
Vendredi 24 Avril 2009
Turcs et Arméniens avancent sur la voie de la réconciliation
DIPLOMATIE Ankara et Erevan ont annoncé qu’ils avaient établi une feuille de
route pour aboutir à une normalisation de leurs relations.
par Marchand, Laure
LES NÉGOCIATIONS entre Ankara et Erevan ont franchi une étape
supplémentaire. Mercredi soir, les deux capitales ont annoncé, dans un
communiqué commun, que « les deux parties (avaient) accompli des progrès
tangibles » et qu’un « cadre général pour aboutir à une normalisation des
relations bilatérales » avait été mis en place. Cette déclaration est
intervenue deux jours avant le 24 avril, date de la commémoration du
déclenchement du génocide arménien en 1915. Traditionnellement, le président
américain prononce ce jour-là un discours sur les massacres commis sous
l’Empire ottoman et les Turcs espèrent que Barack Obama
s’abstiendra de prononcer le mot « génocide » au cours de son allocution.
Aucun détail sur le contenu de la « feuille de route » entre les deux voisins
n’a été donné et Ankara s’est borné à préciser que « la diplomatie
silencieuse » se poursuivrait. Depuis plusieurs mois, la Turquie et l’Arménie
mènent des pourparlers pour établir des relations diplomatiques et rouvrir
leur frontière commune. Début avril, lors de sa visite en Turquie, Barack
Obama
avait encouragé le processus de rapprochement, estimant qu’il « progressait
rapidement ». Dans la foulée, le président arménien, Serge Sarkissian, avait
déclaré qu’il espérait se rendre à un match de football entre les deux
équipes nationales, programmé en octobre dans la ville turque de Kayseri, en
passant par la frontière terrestre.
Depuis, l’espoir d’une normalisation imminente a marqué le pas. Un accord
définitif bute sur la question du Haut-Karabakh, une province azerbaïdjanaise
à majorité arménienne qui est occupée par Erevan. C’est à cause de ce conflit
que les Turcs avaient fermé leur frontière avec l’Arménie en 1993, en soutien
à leur allié turcophone.
Conflit larvé
Jeudi, réagissant à l’accord, Bakou a mis en garde contre de « possibles
tensions dans la région ». « La normalisation des relations entre la Turquie
et l’Arménie doit passer par le retrait des forces arméniennes des
territoires occupés en Azerbaïdjan », a réagi le porte-parole du ministère
des Affaires étrangères.
En avril, le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, avait menacé de couper
l’approvisionnement en gaz de la Turquie si cette dernière rouvrait la
frontière sans tenir compte des intérêts de son pays. Malmené par les
critiques de l’opposition nationaliste turque, le premier ministre Erdogan a
assuré qu’il n’était pas question d’« abandonner nos frères azéris ».
Le conflit larvé dans le sud du Caucase pourrait à son tour sortir de
l’impasse. À Moscou, hier, à l’issue d’une rencontre avec son homologue
arménien, le président russe Dmitri Medvedev s’est félicité « des discussions
» en cours sur l’enclave du Haut-Karabakh qui « vont dans la bonne direction
». Et MM. Aliev et Sarkissian doivent se retrouver le 7 mai en Suisse, qui
assure également la médiation dans les pourparlers turco-arméniens, pour
poursuivre leurs négociations sur la province disputée.