Le regard juste de Guediguian sur " l’armee du crime "

Le Monde, France
19 Mai 2009

Le regard juste de Guédiguian sur " l’armée du crime "

Un beau film sur le groupe de résistants étrangers fusillés au mont
Valérien en 1944

A vec L’Armée du crime, présenté hors compétition à Cannes, Robert
Guédiguian a fait un choix périlleux : la reconstitution d’une page
mi-douloureuse, mi-glorieuse de la seconde guerre mondiale.

A Paris, pendant l’occupation allemande, le poète arménien Missak
Manouchian est chargé par l’Internationale communiste de constituer un
groupe de combattants pour participer à la libération de la
France. Autour de lui militent clandestinement de jeunes étrangers,
Hongrois, Polonais, Roumains, Espagnols, Italiens. Après la
distribution de tracts " contre les salopards ", ils passent aux
attentats contre les nazis.

Traqué par une police bleu-blanc-rouge qui fait du zèle, ce front
populaire d’émigrés finit par tomber, victime d’une dénonciation. Le
réseau est fusillé au mont Valérien en 1944. La propagande
franco-allemande placarde sur les murs l’Affiche rouge, où ces héros
de l’ombre sont présentés comme une " armée du crime ", des métèques,
terroristes, juifs, bolchevik, animés par la haine.

Evoquant les activités du Groupe Manouchian, Robert Guédiguian
commence par la fin – le transport des condamnés à mort dans un
fourgon grillagé -, mais son film est un hymne à la vie et à la
résistance, un appel très contemporain à la lutte pour les droits de
l’homme, à la résistance. Ce qu’ils voient au dehors, menottes aux
poings, sur les quais de la Seine, c’est la vie qui palpite. Ce que
cette fresque belle et poignante sous-entend, c’est qu’il existe
encore aujourd’hui des échos à ce type de lutte, dans notre monde
d’inégalités criantes, de replis communautaires et religieux.

Guédiguian affronte tous les dangers de ce sujet difficile sans
biaiser, haut la main. La reconstitution ? Elle est vraie, discrète,
tissée d’une fraternité populaire, avec ces hommes en marcel, les
chansons de Ray Ventura, les bus à impériale qui un jour de rafle
emmènent des citoyens à l’étoile jaune vers le Vél’d’Hiv. La scène est
bouleversante par sa pudeur, son économie de moyens. La légende ? Elle
est traitée comme telle, avec une pédagogie revendiquée mais incarnée.

RIEN N’EST ÉLUDÉ

L’une des grandes réussites du film est d’avoir réussi à ne pas perdre
des membres du groupe en route. Tous sont là, touchants, vibrant à la
fois de leur idéal collectif et de leurs chemins personnels, mus par
des sentiments intimes. L’Armée du crime est un film historique où
l’amour, les rapports familiaux, sont authentiques. Un film où, par la
grce de la mise en scène et la délicatesse de l’interprétation, rien
n’est éludé.

Magnifiques, la dévotion amoureuse de Manouchian pour son épouse, la
blessure béante en lui du génocide arménien, et ce plan où il bascule
dans la violence, où il lance sa première grenade et pleure,
conscience fracassée. Magnifiques aussi, l’arrogance révoltée de
Marcel Rayman (Robinson Stévenin), la détermination idéaliste de
Thomas Elek (Grégoire Leprince-Ringuet). Tous ces acteurs, sans
oublier Virginie Ledoyen, ne semblent jamais interpréter des martyrs,
mais plutôt vivre un combat et transmettre une morale.

On n’oubliera pas Jean-Pierre Darroussin, qui se coltine le rôle d’un
petit flic français glauque, le fonctionnaire minable qui recueille
les dénonciations et devient limier, prompt à torturer, à faire
chanter. L’image d’une autre France.

J.-L. D.

Film français de Robert Guédiguian. Avec Simon Abkarian, Virginie
Ledoyen, Robinson Stévenin, Grégoire Leprince-Ringuet, Jean-Pierre
Darroussin. (2 h 19.) Sortie en France le 16 septembre.

From: Emil Lazarian | Ararat NewsPress

Emil Lazarian

“I should like to see any power of the world destroy this race, this small tribe of unimportant people, whose wars have all been fought and lost, whose structures have crumbled, literature is unread, music is unheard, and prayers are no more answered. Go ahead, destroy Armenia . See if you can do it. Send them into the desert without bread or water. Burn their homes and churches. Then see if they will not laugh, sing and pray again. For when two of them meet anywhere in the world, see if they will not create a New Armenia.” - WS