Le Figaro, France
Mercredi 2 Septembre 2009
Début de réconciliation turco-arménienne
TURQUIE En froid depuis des décennies, Ankara et Erevan prévoient de
normaliser leurs relations diplomatiques et frontalières.
par Marchand, Laure
UNE ÉTAPE de plus a été franchie sur la voie escarpée de la
réconciliation turco-arménienne. Ankara et Erevan sont convenus
d’établir des relations diplomatiques et de développer leurs liens
bilatéraux. L’accord, annoncé par les deux ministères des Affaires
étrangères, prévoit la normalisation des rapports entre la Turquie et
l’Arménie « dans un délai raisonnable », selon le communiqué publié
lundi soir.
Dans un premier temps, les deux capitales se sont engagées à conduire
dans leur pays respectif des consultations sur le processus de
rapprochement prévu dans les deux protocoles élaborés avec la
médiation de la Suisse. Les Parlements turc et arménien devront les
ratifier à partir de la mi-octobre. L’épineuse question des massacres
d’Arméniens en 1915, dont Ankara nie le caractère génocidaire, ne fait
pas partie des accords. Mais la mise en place d’une commission chargée
de favoriser « un dialogue sur la dimension historique, avec pour
objectif de rétablir la confiance mutuelle entre les deux nations » a
été décidée.
Quant à l’étape la plus significative, la réouverture de leur
frontière commune, elle pourrait, « si les mesures réciproques sont
prises », intervenir « aux environs du Nouvel An », a déclaré Ahmet
Davutoglu, le ministre turc des Affaires étrangères. Tout en
avertissant qu’elle ne constituait « pas une priorité ». La Turquie
avait fermé la frontière en 1993 pour protester contre l’occupation
par l’Arménie de la province du Haut-Karabakh, à majorité arménienne,
en Azerbaïdjan.
La diplomatie du football
C’est déjà la colère de Bakou, le frère turcophone d’Ankara, qui a
fait marquer le pas à l’application de la feuille de route pour la
normalisation des relations turco-arméniennes, dévoilée en avril et
soutenue par Barack Obama au cours de sa visite en Turquie. Ilham
Aliev, le président azerbaïdjanais, avait mis dans la balance les
atouts énergétiques de son pays et demandé à Ankara que son
rapprochement avec Erevan soit lié à la résolution du conflit au
Karabakh. Ahmet Davutoglu a donc précisé qu’aucune démarche « qui
blesserait les intérêts de l’Azerbaïdjan » ne serait entreprise. Outre
la nécessité de prendre en compte les attentes de son allié, le
gouvernement turc risque aussi d’être confronté, sur le plan
intérieur, à l’opposition des partis nationalistes, qui ont jusqu’à
présent refusé toute démarche de réconciliation .
Le calendrier établi pour la signature des accords coïncide avec la
visite du président arménien en Turquie. Serge Sarkissian y est
attendu le 14 octobre pour assister à un match de football entre les
deux équipes nationales. Il avait récemment menacé de ne pas accepter
cette invitation si la frontière n’était pas ouverte ou si aucun
progrès significatif n’était enregistré d’ici là.