Missak Manouchian, itineraire de roman

Le Monde, France
16 septembre 2009 mercredi

Missak Manouchian, itinéraire de roman

AUTEUR: Jean-Luc Douin

DEUX ROMANS accompagnent la sortie du film de Robert Guédiguian. C’est
par le biais d’une enquête réalisée par un journaliste de L’Humanité,
et flanqué d’un photographe nommé Willy Ronis, que Didier Daeninckx
propose un portrait fictif de Missak Manouchian, le chef du réseau
d’immigrés résistant à l’occupant (Missak, Perrin, 290 p., 16,90
euros).

Dans Itinéraire d’un salaud ordinaire (Gallimard, 2006), l’auteur
avait reconstitué une époque et l’état d’esprit d’un flic collabo au
fil d’une histoire rendant hommage aux feuilletons populaires. Cette
fois, il entraîne son journaliste chez les Arméniens de Paris (un
certain Charles Aznavour passe au Moulin-Rouge), onze ans après
l’exécution de Manouchian, à l’occasion de l’inauguration d’une rue
qui doit porter le nom de son groupe dans le 20e arrondissement de
Paris.

Il s’agit, pour le journal communiste, de confondre les calomniateurs
qui ont fait circuler des rumeurs pour salir le parti. Au fil des
témoignages recueillis, le journaliste acquiert la certitude que
Manouchian a été trahi par une certaine Katia. Cette jeune fille de 19
ans qui faisait partie du groupe de jeunes communistes juifs dirigé
par Henri Krasucki avait été pincée à faire du marché noir et voulait
sauver sa peau. Il apprend aussi que le flic français auquel Katia
avait donné ses camarades fut révoqué de la police et jugé en 1947
pour avoir prévenu des résistants de l’imminence d’une rafle. Certains
militants de la MOI (Main-d’oeuvre immigrée) témoignèrent en sa
faveur, en particulier Krasucki, à qui cet homme avait proposé de
s’évader…

Didier Daeninckx signe également le texte de Missak, l’enfant de
l’affiche rouge, un album jeunesse illustré par Laurent Corvaisier (à
partir de 8 ans, Rue du Monde, 60 p., 17 euros).

Scrupuleuse analyse

Interprété dans le film par Grégoire Leprince-Ringuet, le lycéen
parisien Thomas Elek fait, lui, l’objet d’une scrupuleuse analyse de
comportement d’Alain Blottière (Le Tombeau de Tommy, Gallimard, 218
p., 16,50 euros). L’écrivain se met dans la peau d’un cinéaste
réalisant un film sur ce jeune juif hongrois. Son récit est une sorte
de journal où il justifie ses choix, un commentaire sur un scénario
dont il livre ici et là quelques pages. La quête de l’acteur approprié
l’amène à dénicher un certain Gabriel, et par lui à confronter un
adolescent d’aujourd’hui avec le caractère de son modèle. Fiévreux et
déterminé, avec l’aide de la mère d’Elek, à dépeindre l’individu
autant que le dérailleur de trains, Alain Blottière explore dans son
livre les ressorts de l’approche du comédien, bouleversante
identification qui le rend mort-vivant.

Côté essais, signalons la réédition de L’Affiche rouge, de Benoît
Rayski (Denoël, 150 p., 13 euros).